9. Synthèses
9.1. Articles à exemplifications variées
Certains articles du Thresor renferment plusieurs types
d'exemplification. Nous prendrons le cas du macro-article RIME, dont de très nombreux éléments
viennent de Marot ; cet article contient les occurrences
suivantes :
- Exemple de réalisation linguistique d'un référent
métalinguistique (cf. 1) : exemples de rime ;
- Exemple d'emploi du mot-vedette (cf. 3.1) : rime "nombre"
> escrire en rime ; rime exemplifié par un
proverbe, lequel à son tour est mis en contexte discursif ;
rime, rimer, rimeur, rimailleur,
rimaille, rimant, rimart, rimete,
rimoner, rimoyer exemplifiés par Marot ;
- Exemple d'emploi d'un antonyme (cf. 3.6) : prose, antonyme
de rime, exemplifié en italien et en français ;
- Exemple d'emploi d'un équivalent (cf. 3.8) : rime,
équivalent italien de fr. rimes ;
- Exemple d'un hyponyme sémantique du mot-adresse (cf. 5.1) :
sortes de rime ;
- Exemple d'analogie suffixale (cf. 6.6) : rimailleur,
chamailleur, tailleur, gasouilleur ;
rimant, volant, battant ; -art de
« vitupere » > rimart,
songeart ;
- Exemple de dérivation analogique (cf. 6.7) : rimoner
> rimoneur, rimoneuse = rimailler > rimailleur,
rimailleuse ; rimoyer > rimoyeur, rimoyeuse
= rimasser > rimasseur, rimasseuse ;
- Exemple de formation du féminin (cf. 6.11) : rimart
> rimarde = paillart > paillarde, songeart >
songearde ;
- Exemple de dialecte source d'un usage prosodique (cf. 8.2) : la
rime en français, espagnol, italien ;
- Exemple d'idiolecte source d'un commentaire (cf. 8.4) :
poètes provençaux commentateurs de la rime.
9.2. Fonctions
- 1. Exemple de réalisation linguistique d'un
référent métalinguistique (type : genitif
> « la maison de Pierre ») : classe
ouverte ; illustration du concept et modèle à imiter.
- 2. Exemple d'un trait métalinguistique actuel (type :
apparier "[rendre et faire pairs deux ensemble] en forces,
dignité, sçavoir, etc.") : classe en principe
fermée ; ou bien le lexicographe connaît mal les limites
de la classe et la laisse ouverte, ou bien il en donne l'essentiel par
mesure d'économie ; dans tous les cas la classe est à
compléter par l'usager.
- 3. Exemple d'emploi d'un signe-propriété linguistique
virtuel (type : journée > « perdre la
journée ») : classe ouverte ; illustration du mot
et modèle à imiter.
- 4. Exemple de cooccurrent de l'unité-adresse (type :
acre > aux, oignons) : illustration du mot,
liste à développer.
- 5a. Exemple d'hyponyme sémantique d'un
signe-propriété linguistique actuel (type : armes
> espées, dagues, poignards [etc.] ») :
précision du sémantisme du mot et voie d'accès aux
taxonomies de choses ; listes à compléter par l'usager.
- 5b. Exemple d'un hyponyme dérivationnel (type : tour
> tourete, tourelle, tournelle) :
précision dérivationnelle ; classe en principe
fermée ; la liste donnée par le lexicographe est
peut-être fermée.
- 6. Exemple de réalisation d'une règle linguistique
(type : a/e/o + l >
a/e/o + u > pellis >
peau) : justificatif d'hypothèse étymologique ou
illustration d'un fait d'évolution établi.
- 7. Exemple de réalisation d'un signifié (type : "le
masle se joindre avec sa femelle" > apparier/coupler,
alligner, tenir le rut) : voie d'accès aux
unités lexicales d'un champ sémantique.
- 8a. Exemple de source diatopique (type : muy >
Orléans) : précision d'étendue d'emploi.
- 8b. Exemple d'idiolecte d'usage (type : avec dans Maugist
d'Aigremont) : attestation et illustration du mot.
- 8c. Exemple d'idiolecte de mention (type : galoches <
gallicae chez Baïf) : élément d'argumentation
critique.
- 8d. Exemple de référent de chose désignée
(type : jaques de maille > en plusieurs tombeaux des anciens
hommes d'armes) : illustration encyclopédique.
9.3. La terminologie de l'exemple
Comme est la copule presque passe-partout : on le trouve
parmi les exemples cités ci-dessus dans les sections 1, 3, 4, 5, 6
et 8. Il a comme variantes stylistiques ainsi dit on (ainsi
on dit) et selon ce on dit (selon laquelle/cette
signification on dit) :
(*) | | « c'est pouruoir
de choses necessaires, comme, Il est garni de tout ce qu'il luy
faut » (s.v. GARNIR) |
| | « C'est mettre à val,
Abbaisser, Demittere, Deorsum mittere, Ainsi dit on Aualler
la viande quand de la bouche on la laisse aller à
l'estomach » (s.v. AVALLER) |
| | « C'est aller à rebours,
à reculons, en arriere. Selon ce on dit, Rebourser chemin,
c'est retourner en arriere par où l'on est venu » (s.v.
REBOURSER) |
(*) | | « C'est celuy en
la garde duquel quelque chose a esté baillée, comme,
gardien de biens, pour vn qui est commis à la garde de quelques biens
prins par execution » (s.v. GARDIEN)
|
| | « C'est abandon, Ainsi dit
on Abandonnement de biens, pour la cession de biens que fait vn debiteur
à ses creanciers » (s.v. ABANDONNEMENT) |
| | « c'est chose de rameaux.
Selon ce on dit, Le ramage d'vn oiseau, c'est à dire le chant
dont il vsoit hantant les arbres & buissons » (s.v. RAMAGE) |
La dénomination analogique de la section 7 est
caractérisée par la copule tout ainsi que,
laquelle s'emploie tout naturellement dans d'autres cas d'analogie (cf. 5.5,
6.12, 6.13). La nature d'échantillonnage indéterminé
des traits définitionnels (section 2) est caractérisée
par etc. [61]
Dans la nomenclature du Thresor, le mot exemple a le
sens de "preuve, chose à suivre, patron" (cf. supra). Dans le
discours lexicographique, Nicot l'emploie plusieurs fois pour
présenter ou commenter un énoncé qui appuie une
explication de mot ou de chose. [62]
- L'article BLASON est un discours sur le mot
blason "devise, escu" et sur la chose, ainsi que sur la non-synonymie
de blason, escu, cognoissance, banniere et
enseigne ; sur les neuf exemples illustrant tantôt le mot,
tantôt la chose, quatre seulement contiennent le mot blason.
Le mot exemple qualifie trois de ces exemples, tous sans
blason : « Et par cet exemple aussi,
[...] », « De ce dernier exemple il appert
que [...] », « comme se peut cognoistre par cet
autre exemple. [...] ».
- S.v. DE, le syntagme de primsaut est
défini et exemplifié comme mot : « maniere
de parler vsitée tant auec presupposition [...] Et absoluement
sans ladite presupposition, comme, De primsaut ie l'ay conquis, [...]
Car il n'est necessaire en tel exemple que le contraire, assauoir,
qu'il me soit eschappé, ou autre telle chose se soit
ensuyuie ».
- S.v. ENSEIGNE, une opinion concernant le mot et la
chose est appuyée par trois exemples contenant le mot
enseigne : « & conforméement à ceste
opinion on trouue ces exemples és anciens Romans.
[...] ».
- Frere, « mot d'alliance par
amitié », est illustré par un exemple qui le
contient et en précise le sens : « Par lequel
exemple est monstré que [...] ».
- S.v. GUEDDE, le lexicographe renvoie à des
cas analogues il s'agit en l'occurrence de desguerpir,
gaine, guaranion et guarir qui appuient la
prononciation moderne par g à la place de l'ancienne par
w : « Car le[s]
François pour la plus part, où les Anciens escriuoient &
prononçoient
double W, escriuent & prononcent pour le plus aisé g, selon
les
exemples nagueres, & souuent ailleurs recitez ».
- Le sens complexe de requint, qui « est vn profit de
fief par sus le quint deu au Seigneur par l'achepteur d'vn fief mouuant de
luy, vendu francs deniers au vendeur, qui est le quint denier du quint du
pris pour lequel ledit fief a esté vendu », est
éclairé par un exemple simple et concret :
« Comme par exemple, De cent liures le quint, c'est
vingt liures, & le Requint quatre liures ».
- S.v. TIRER, le supplice tirer aucun à
quatre cheuaux est illustré par deux exemples historiques (la
mise à mort de Metius Suffetius et celle de Brunehaut) ; le
second est introduit par la formule « Vn & nouueau & dernier
exemple de supplice ». [63]
Le mot modele cf. s.v. MODELLE : « Vn Modelle, que
l'imagier ou fondeur fait de terre ou de plastre pour puis apres faire
l'image de pierre ou quelque ouurage de fonte à la semblance d'iceluy
modelle, Modulus, Proplasma, proplasmatis, Typus. Cic. C'est vn
patron. » se rencontre une fois dans un discours sur
la formation analogique (cf. section 6) :
« Accordailles, plur. num. f. penac. est du modele
de fiançailles, & signifie le mesme, mais fiançaille est
plus vsité, & signifient trop plus que accord, car ils importent la
cerimonie & solemnité du fiancer. Ce que l'energie du nombre plurier
demonstre [...] De mesme forme est aussi
Espousailles. »
L'exemple sort du moule, de la règle qui le fonde et en même
temps il fonde le signe-propriété.
[Table]
Notes
61. Cf. I. Leroy-Turcan & R. Wooldridge, "Aspects métatextuels du
dictionnaire : les discours empruntés et les indéfinis",
in Texte, 15/16 (1994) : 307-350.
62. Pour Nicot, la distinction mot/chose est contingente ; l'adresse,
nominale ou autre, est tantôt traitée comme signe linguistique,
tantôt comme signe de référent ; la copule reliant
le mot-adresse à la définition est tantôt le verbe
estre, tantôt signifier :
« Accointer, [...] signifie auec cointise &
honesteté recercher aucun pour se le faire familier & amy. [...]
Accointer aussi est rendre & faire coint, ioly &
mignon » ; « Accubes, [...] Signifie
gistes, repaires & seiours » ;
« Accueil, [...] Est reception d'vn
aduenant ».
63. L'occurrence d'exemple présentant un exemple de chose s.v.
CALCINER remonte à Thierry 1564. Cf. Wooldridge
1995 (voir note 21).