3. Microsystèmes synonymiques, paradigmes syntagmatiques
Le GDFL, notamment l'édition de Marquis, est souvent un témoin
précieux des rapprochements synonymiques possibles au début du XVIIe
siècle. Bien entendu, ce type d'informations n'est pas enregistré par les
dictionnaires historiques tels que le FEW. Dans le premier exemple, convers,
freres laics et freres servants en religion sont non marqués chez Marquis,
alors que oblats, freres donnez et freres coadjuteurs temporels seraient des
dénominations moins courantes (« aucuns », « les
autres »):
Marquis 1609: « Conuers, freres laics, freres seruants en Religion aucuns les
appellent Oblats, les autres freres donnez, aucuns freres Coadiuteurs
temporels. »
Le traitement donné par le FEW est variable: globalement satisfaisant dans le cas
de convers et de frere laic, datation postérieure pour oblat, datation
postérieure et syntagme incomplet pour frere servant en religion, syntagme
incomplet pour frere donné et frere coadjuteur temporel:
FEW (s.v. CONVERTERE 2, II, 1134a): « fr.
convers "qui a embrassé tardivement la vie monastique; qui est
chargé des travaux manuels dans la communauté religieuse dont il fait
partie" (dp. 12e s.) »
FEW (s.v. LAICUS 5, 131b): le commentaire donne
frère lai (dp. la Réformation)
FEW (s.v. SERVIRE 11, 538b): « fr.
frère servant "religieux convers employé aux besognes
matérielles d'un monastère" (dp. 1718) »
FEW (s.v. OBLATUS 7, 267a): « mfr. oblat de
religion "laïque vivant dans un couvent auquel il a donné ses
biens" (Est 1549-Voult 1613), frm. oblat (1636-1771) »
FEW (s.v. DONARE 3, 136a): « afr. mfr.
doné "homme qui s'est donné, lui et ses biens, à un
monastère" »
FEW (s.v. COADJUTOR 2, I, 815a): « fr.
coadjuteur "ecclésiastique adjoint à [...]" (dp. 13e s.), frm.
coadjuteur temporel "simple frère jésuite" »
Au sujet du chant d'église, Marquis ajoute deux items, le premier constituant une liste de
synonymes du mot chantre hérité du Dictionaire
françois-latin:
Marquis 1609 s.v. CHANTRE: « Precenteur, Maistre
de choeur, Manicantant, Lug. »
Marquis 1609: « Choristes, enfants de choeur. »
Le FEW traite convenablement precenteur (mais « mfr. [...]
1573-1771 ») et enfant de choeur, donne trois formes et trois
définitions différentes de maître de choeur qu'il ne trouve
attesté qu'à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle,
définit mal choriste ("chantre" au lieu de "personne qui
chante") et n'enregistre pas le lyonnais manicantant:
FEW (s.v. PRAECENTOR 9, 280a): « mfr.
precenteur "principal chantre d'une église" (1573-1771) »
FEW (s.v. CHORUS 2, I, 652a): « frm.
maître de choeur "chantre qui dirige le chant de l'office" (dp.
1690) »; (s.v. MAGISTER 6, I, 37a): « frm.
maître des enfants de choeur "celui qui dirige l'ensemble musical du
choeur" (1660-1845), maître du choeur "chantre principal du
choeur" (dp. 1690) »
FEW (s.v. MANE 6, I, 182a): cf. « Lyon
manécanterie f. "école cathédrale",
manécantier m. "élève de l'école
cathédrale" »
FEW (s.v. CHORUS 2, I, 651b): « frm.
choriste "chantre du choeur (église)" (dp. Cotgr
1611) »; cf. « afr. choristre "enfant de
choeur" »
FEW (s.v. INFANS 4, 659a): « mfr. frm. enfant
de choeur "enfant qui chante au choeur et aide le prêtre dans les
cérémonies" (dp. 1530) »; la même information se
trouve s.v. CHORUS (2, I, 652a)[7]
Dans le domaine de l'écrit, Marquis offre deux séries de paradigmes syntagmatiques
fort utiles pour l'histoire du vocabulaire:
Marquis 1609: « Vne espreuue, en l'Imprimerie, premiere seconde, tierce bien
corrigée. »
Marquis 1609: « Lettre grise, versale, capitale, italique, romaine,
françoise. »
Alors que le FEW ne donne pour épreuve qu'une définition du mot
seul (dp. Pasquier, t. 9, 406a), il enregistre quelques-uns des syntagmes de lettre,
attestés à différentes dates: lettres grises (dp. 1556, t. 16, 80b),
lettre capitale (dp. Cotgr 1611, t. 2, I, 254a), lettres ytalliques (Lemaire) et lettres
italiques (dp. 1680, t. 4, 823a).[8] Comme les lettres sont un des
principaux thèmes du Traicté des chiffres, ou secretes manieres d'escrire
de Vigenere -- le mot lettre(s) a une fréquence de 786 --, il n'est pas
surprenant d'y trouver lettre capitale et capitale n. f. (passim -- cf. Marquis
s.v. CAPITAL),[9] lettre italique (5) et
italique n. (1), lettre romaine (1),[10] mais aussi capitale
romaine (1), en romain (1), en gros romain (1), lettre onciale (1 -- cf.
Marquis s.v. ONCIAL), lettre bastarde (1), lettre courante (1),
menue lettre (1), menue lettre courante (1), lettre commune (passim),
lettre gothique (1), lettre hieroglyphique (3).
Le grand intérêt des textes de Vigenere et de Marquis est de montrer les membres
d'un paradigme en cooccurrence fonctionnelle, ce que ne peut faire le FEW.
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Notes
7. Cf. aussi plus-valeur, plus-value; pante, pantiere.
8. On y trouve aussi romain n. m. (1592; dp. 1690) et caractère romain (dp.
1723, t. 10, 457b).
9. On lit lettre capitale dans Vitruve-Martin 1547 (Table, f. a.iii, recto) et le
« Triomphe de Henry » 1551 (ff. M.iii v. et P.iiii. v.)
10. Cf. romaine lettre dans Rabelais, Gargantua, ch. 23. Le Pantagruel, ch.
12 donne lettre versalle et lettre coursive.