[LO] L'Oracle d'Apollo en l'isle de Delphos, declara par la bouche
de Pythius son grand prestre, que Socrates estoit le plus sage des
hommes, consideré qu'il avoit tresdoctement et par grand prudence dict
qu'il eust esté besoing que les poytrines des hommes eussent esté
fenestrees et transparentes, afin que leurs sens ou fantasies ne
feussent occultes, mais manifestes et considerables. Pleust a Dieu que
Nature suyvant la sentence de ce Philosophe, les eust faictes
visibles. Certainement s'il estoit ainsi, lon ne congnoistroit sans
plus queles louenges ou vituperes lon peult donner a iceulx hommes,
ains l'effect des sciences des disciplines estant subget a la
consideration des yeux, ne seroit aucunement approuvé par jugemens
depravez: car on bailleroit les authoritez honnorables aux vertueux et
de bon savoir. Toutesfois puis qu'il ne peult estre sinon comme il a
pleu a ladicte Nature, dela vient que les gens ne peuvent bonnement
juger queles sont les sciences des artifices cachee soubz les
poytrines closes: qui fait que les ouvriers encores qu'ilz promettent
de monstrer leur industrie, ne peuvent par ce moyen acquerir aucun
credit, ny donner a entendre qu'ilz sachent ce dont ilz font
profession, s'ilz ne sont riches, ou congneuz de longue main par avoir
continuelement exercé leurs practiques, ou bien s'ilz n'ont grace de
parler comme Advocatz. De ce povons nous prendre exemple sur les
Imagiers et Paintres antiques: car ceulx d'entr'eulx qui ont eu
renommee d'estre excellens, sont et seront a tousjours honnorez en la
memoire de la posterité, comme Myron, Polyclete, Phidias, Lysippe, et
plusieurs autres, lesquelz ont acquis reputation par leur art, a
raison qu'ilz ont esté employez aux services de Republiques fameuses,
de grans Roys, ou autres personnages magnifiques, pour qui ilz ont
faict les beaux ouvrages. Mais a la verité il y en avoit d'autres de
leur temps mesme, qui n'estoient de rien moins artistes que ceulx la,
toutesfois ilz n'ont sceu pervenir a ceste renommee, pource qu'ilz
n'ont besongné sinon pour quelzques gentilzhommes ou aucuns citoyens
d'humble et modeste fortune: ce neantmoins leurs oeuvres n'estoient
inferieures a celles des tant estimez. Parquoy ne fault dire qu'ilz
ayent esté desgarniz de bon savoir, et docte experience, mais
seulement abandonnez de felicité humaine. En ce nombre sont Hellas
d'Athenes, Chion de Corinthe, Myagre de Phocee, Pharax d'Ephese, Bedas
de Byzance, et assez de telz Imagiers: et quant aux Paintres ne fault
taire Aristomenes de Thasie, Polycles Atramitain, Nicomache, et
innumerables, qui ont esté bien pourveuz d'industrie, d'amour de leur
art, et de practique suffisante. Ce non obstant, ou le peu de biens
qu'ilz avoient, ou la malignité de fortune, ou la victoire de leurs
emulateurs contendans contr'eulx par ambition, se sont opposees a leur
gloire. A ceste cause je dy qu'il ne se fault esbahir si les vertuz
des artz sont obscurcies par ignorance, mais lon peult grandement
detester la commune facon de faire, qui est que par la corruption de
festins et bancquetz lon decline des vrays jugemens aux approbations
faulses et erronees. Si donques les sens et opinions des hommes,
mesmes les sciences augmentees par estudes
[LO] LA composition des Temples consiste en symmetrie, delaquelle
tous Architectes doyvent diligemment entendre le secret. Ceste
symmetrie est engendree de proportion, que les Grecz nomment Analogie.
Quant a la mesure du visage, depuis le bout du menton
jusques au dessoubz des narines, cela en tient une troysieme partie.
Le nez aussi depuis le bout des susdictes narines, jusques au mylieu
d'entre les deux sourcilz, s'estend en pareille longueur: et l'espace
de ce poinct la jusques a la plus basse racine des cheveux, qui fait
le front, en a tout autant. Le pied, a comprendre la rondeur du talon
passant par dessoubz la semelle jusques a l'extremité du second
orteil, arrive a une sixieme partie de toute la haulteur du corps. La
coudee, c'est a dire depuis le ply du bras jusques au bout du doy du
mylieu de la main, fait une quatrieme bien mesuree: et la poytrine ne
plus ne moins, a prendre depuis le commencement du ventre au dessus du
nombril, jusques audessoubz du menton.
Encores tout ainsi qu'il fait la figure ronde, ne plus
ne moins se treuve en luy la perfectement quarree: car si lon mesure
depuis la plante des piedz jusques au plus hault de la teste, et que
lon tire une pareille ligne par dessus ses mains estendues, lon
trouvera que ceste la sera autant large que l'autre est longue, et que
lon en pourra former le quarré perfect aussi bien que des choses
plattes esquarries au moyen de la regle. Si donc nature a en tele
sorte composé le corps de l'homme, asavoir que tous les membres
correspondent par proportions a sa juste figure: il semble que les
antiques n'ont sans bonne cause ordonné que pour rendre les ouvrages
en perfection, toutes les especes de mesure y estans requises, ayent
en chacun de leurs membres une convenance legitime: et pourtant quand
ilz enseignoient les ordres qui se doyvent suyvre en tous edifices,
leur plaisir estoit que cela s'observast singulierement en la
structure des Temples, ausquelz on veoit a perpetuité queles louenges
ou vituperes lon doit donner aux ouvriers qui en ont eu la conduitte.
Les commencemens de ces edifices sont ceulx par lesquelz se monstre
quele devra estre leur forme totale, specialement par les Antes, que
les Grecz disent Naos en parastasi, c'est adire Contrefors ou
Pilastres quarrez miz au long des murailles, et specialement sur les
coingz. Puis les especes dont ilz devront estre, asavoir ou Prostyles,
autrement ornez de colonnes en la face de devant: {deuat} ou
Amphiprostyles, a double reng de colonnes en ce mesme front:
Peripteriques, ou garniz d'aelles dictes promenoers a l'entour de la
Nef: Pseudodipteriques, qui signifient, sans aelles, ou n'ayant que le
simple circuyt des murailles: Dipteriques, ou a doubles promenoers
soubz les costieres: et Hypaethriques, autrement exposez a l'air et a
la pluye, n'estans en rien couvertz par le mylieu: de tous lesquelz
seront cy apres les modes exprimees par les deductions que j'en feray
entendre aux lecteurs.
Le Prostyle a toutes les particularitez de celluy a Antes, mais
il a davantage deux colonnes contre les pilastres des coingz, et son
Architrave pardessus, ne plus ne moins que le dessusdict: puis encores
est decoré d'une autre assize sur chacune areste de ses encoigneures.
L'exemple de cestuy la est en l'Isle du Tibre, au Temple de Jupiter et
Faunus.
L'Amphiprostyle aussi a tous les ordres de ce Prostyle,
et oultre plus a en son fons ou postique, des colonnes, et son faiste
propre, ainsi qu'il sera dict.
Le Peripterique sera celluy qui en ses devant et derriere aura
six colonnes, et sur les costez unze, a compter celles des coingz, et
que ces colonnes seront assizes de sorte qu'il y ait autant de
distance depuis les murs de toutes pars jusques a elles, que la
grandeur de l'entrecolonne se pourra estendre, et ce pour faire un
promenoer al'entour de la nef, comme il y a au Portique ou gallerie de
Metellus dediee a Jupiter Stator, en ceste la d'Hermodius, et en
celles de Marius consacrees a l'Honneur et a la Vertu, qui furent
faictes par un certain Mutius, lequel n'y voulut point mettre de fons
a mur razé.
Le Pseudodipterique est de tel art, qu'en son
commencement et en son bout il y a huict colonnes, et quinze sur les
costez, a compter celles des coingz. Les murailles de la Nef sont
directement opposites aux quatre colonnes du mylieu, posees tant au
dict commencement, qu'en son bout: et depuis le tour de la muraille
jusques aux piedz desdictes colonnes, y a autant d'espace, comme
contient la longueur de deux entrecolonnes. Nous n'avons point de
monstre de cecy en ceste ville, mais il s'en treuve a Magnesie en
Asie, au Temple de Diane edifié par Hermogenes Alabandus, et en celluy
d'Apollo, faict par un maistre qu'on nommoit Amnestus.
Le Dipterique est octastyle, c'estadire a un reng de huict
colonnes, tant en son principal rencontre qu'en son fons: et environ
le tour de sa Nef a double ordre d'icelles colonnes, ne plus ne moins
que le Temple de Quirinus, basty a la facon Dorique, et celluy de
Diane en Ephese, edifié a l'Ionique par Ctesiphon.
L'hypaethrique aussi est decastyle, pource qu'il a dix
doubles colonnes arrengees en lignes droittes, tant en son front qu'en
son postique: et au demourant contient toutes les particularitez du
Dipterique: mais davantage a encores en sa Nef dedans oeuvre, d'autres
colonnes reculees du circuyt de la muraille, comme si c'estoit pour un
Portique ou Peristyle. Le mylieu de ce bastiment est exposé a l'air,
sans aucune couverture: et si y a deux portes pour entrer et saillir
tant par devant que par derriere. L'exemple de cestuy la n'est point
en Rome, mais en Athenes au temple de Jupiter Olympique, ou il est
seulement octastyle, autrement a huict colonnes de reng.
[LO] IL y a cinq manieres de bastir Temples, qui se nomment en
termes propres, Pycnostyle, c'estadire fort peuplé de colonnes.
Systyle, qui n'en a pas tant du tout. Diastyle, estant plus au large,
et dont les colonnes sont plus clair semees qu'il n'est requis.
Araeostyle, qui en ses entrecolonnes a l'espace de trois diametres par
embas: et l'Eustyle, c'estadire deuement et par juste distribution
enrichy d'icelles colonnes.
Le Systyle est celluy en l'entrecolonne duquel y a la distance
de deux diametres, et dont les plinthes de leurs bases sont aussi
grandz que cest espace, comme il se veoit au temple de Fortune
chevalureuse, situé pres le Theatre de pierre, et en plusieurs autres
qui ont esté ainsi edifiez.
Ces deux genres ou especes de bastimens sont vicieuses. La
raison est, que quand les Dames ou Bourgeoyses ont monté les degrez
pour y aller faire leurs prieres, elles
Pareillement si nous faisons noz temples Areostyles, il ne sera
permis d'user d'Architraves de pierre ny de marbre, mais convient en
leur lieu se servir de bons gros sommiers de charpenterie.
Les proprietez de ces Temples sont Baryces, et
Barycephales, c'est a dire larges et estroittes, mesmes ou les voix
des Chantres se rendent resonnantes ou debiles. Lon enrichit leurs
combles de terre cuitte esmaillee, ou de placques d'arain dorees
pardessus a la mode Tuscane, ainsi que lon veoit aux Temples de Ceres
et Hercules, situez pres du grand Cirque, autrement place ou lon joue
les jeux, et pareillement au Capitole de Pompee.
Pour en venir donc a la practique, il fauldra besongner comme
{commme} sensuyt. Si le front ou devant de ce Temple, selon la
largeur qu'on luy vouldra donner, doyt estre Testrastyle, c'est a dire
enrichy de quatre colonnes, l'ouvrier compartira ceste largeur en unze
portions et demye, non compris en ce les saillies des bases sur les
coingz.
[LO] LEs fondemens de ces manieres de massonnerie soient fouillez et
creusez jusques au tuf ou lict de terre ferme (s'il est possible de le
trouver) et la dessus soient faictz de largeur condecente selon la
pesanteur de la masse qu'ilz auront a porter. Mais il fault
singulierement prendre garde a ce qu'ilz soient fermes et bien
massonnez en toutes leurs parties: puis quand on les aura levez
jusques a la superficie de la terre, la dessus fauldra bastir des
petitz murs qui serviront comme de siege pour les colonnes, et les
tenir deux fois plus espoys que leurs tiges, a celle fin que les
parties basses soyent tousjours plus fermes que celles de dessus.
Cesdictz petitz murs se nomment Stylobates, a raison qu'ilz portent la
charge.
Les saillyes des bases ne doyvent passer oultre
l'espoysseur de leur siege. Puis au second estage fauldra encores
observer l'espoysseur de la muraille suyvant ceste regle: mais il sera
bon que les murs entredeux d'icelles colonnes soyent renforcez
d'arceaux, ou bien garniz de pilotiz, a celle fin qu'ilz ne se
desmentent ou demolissent. Toutesfois qui ne pourroit en faisant
iceulx fondemens, trouver le lict de terre ferme, et que le fons feust
mal uny, ou de nature marescageuse: en ce cas il seroit requis de
fouiller le plus avant que lon pourra, pour le tarir s'il est
possible, puis y ficher de bons pieux d'Aulne, d'Olivier, ou de
Chesne, ayguisez et brulez par le bout, mesmes les arrenger pres a
pres l'un de l'autre, les enfonceant a grans coupz de Bellier, qui est
un engin propre a ce faire, et emplir leurs espaces de charbon, puis
asseoir ladessus les fondemens, massonnez de la meilleure matiere que
trouver se pourra.
Ceste partie de dessus dont je vien prochainement de parler,
soit compassee en quatre divisions, non compris en ce ledict Plinthe:
et le Bozel de dessus, ayt une quarte de ces parties: puis des autres
trois restantes egalement compassees, l'une sera pour le Bozel
d'embas, et le residu pour la Nasselle, que les Grecz nomment Scotia
ou Trochilos, c'estadire obscure, ou Poulye, avec ses petiz quarrez.
Estant ces bases ainsi formees et assizes, les colonnes du
mylieu tant au front comme au derriere de l'edifice, devront estre
posees dessus en ligne perpendiculaire, respondant au mylieu du centre
de la base: puis celles des coingz, et les autres qui doyvent apres
suyvre leur ordre du long des costez d'icelluy temple, tant a droict
comme a gauche, en cas pareil estre mises a plomb, si bien que leurs
dehors et leurs dedans qui regardent les murailles de la nef, se
monstrent droictz a la veue des hommes. Et pour venir a leur
rapetissement par enhault, il y fault proceder comme j'ay dict. Ce
faisant, la figure de la composition se trouvera belle et bien
entendue, par especial icelluy rapetissement des colonnes practiqué
par raison reguliere.
Mais au regard de la haulteur du chapiteau, il la fault
ainsi faire, asavoir que des neuf parties et demye susdictes, trois
luy en soyent donnees a compter depuis le dessus de la platte bande de
son Tailloer, jusques a ce qui posera sur l'Astragale ou membre rond
estant en la gorge de la colonne: et la demye restante sera pour ses
goules tant droitte que renversee, que lon nomme autrement Cymaise et
Nasselle: la saillye de laquelle Cymaise, sorte par les deux boutz
autant en dehors oultre le quarré du Tailloer, que l'oeuil de la
Volute a de grandeur en son demy diametre. Les costez ou arondissemens
doubles de ces Volutes, se facent par tele raison, que l'une des
jambes du Compas soit mise sur le hault de l'oeuil, et l'autre soubz
l'assiette du Tailloer, la ravallant d'une tierce partie dudict oeuil,
et circuyssant jusques a la ligne perpendiculaire qui passe atravers
son centre, et ainsi continuant de poinct en poinct selon les
partitions faictes en luy: et par ce moyen l'ouvrier verra succeder
l'effect de son desir. Les espaces d'entre les contournemens ne soyent
plus grans que le diametre de l'oeuil: et soient taillez par tel art,
que leurs profondeurs n'ayent sinon une douzieme partie de toute leur
largeur.
La largeur de l'Architrave par le costé, qui posera sur
la colonne, soit de mesme estendue que celle de la gorge de la
colonne, par ou elle joinct au chapiteau: et sa partie de dessus,
corresponde au diametre de la dicte colonne par embas. La Cymaise ou
goule renversee d'icelluy Architrave, se doyt faire d'une septieme
partie de sa haulteur, et porter autant de saillye: puis le reste, non
compris la dicte Cymaise, estre divisé en douze dimensions, dont les
trois appartiennent a la premiere couche ou filiere de pierre, quatre
a la deuxieme, et cinq a la troysieme.
Pour bien faire le Tympan du Frontispice assis au faiste
dessus ce dernier membre, il est besoing que le front de la Cornice
soit mesuré en neuf parties, a prendre depuis un des boutz jusques a
l'autre de la Cymaise derniere, et de celles lá en donner une au
mylieu d'icelluy Tympan, prenant garde a ce que la premiere filiere de
l'Architrave corresponde et soit posee a plomb des gorges d'icelles
colonnes. Au demourant, les coronnes qui se mettent sur le Tympan,
declinantes en pente, doyvent aussi estre egalement colloquees a fleur
des Cornices de dessoubz, excepte leurs Doulcines, qui passeront
oultre: et leurs petitz quarrez, que les grecz nomment Epitithides,
avoir de hault une huytieme partie d'icelles coronnes.
Or tous les membres qui doyvent estre assiz
audessus des chapiteaux des colonnes, comme Architraves, Frizes,
Cornices, Tympans, Pignons, et Acroteres, doyvent pencher en devant,
chacun d'une douzieme partie de sa haulteur, a raison que quand nous
sommes plantez devant la face d'un edifice si deux lignes derivantes
du centre de nostre oeuil, s'estendent en sorte que l'une arrive a son
pied, et l'autre jusques a son faiste: celle qui touchera ce faiste,
sera de beaucoup plus longue que l'autre: et de la vient que tant plus
la veue faict une ligne allongee en montant, tant plus luy est il
advis que son object se regette en derriere. Parquoy s'il est que
l'ouvrier face pancher en devant, comme dict est, adonc semblera il au
regard, qu'ilz seront justement assiz en ligne perpendiculaire ou a
plomb.
Les cannelures des colonnes doyvent estre vingt et
quatre en nombre, et creusees par tele industrie, que quand l'angle
droict de l'Esquierre sera mis en l'une, ses bras ou branches touchent
a ses costez tant a droict comme a gauche, et que cest Esquierre
puisse estre ainsi librement conduict par tous les poinctz de la
circumference: et les grosseurs des entrecannelures doyvent estre
aussi grandes que se trouvera le renflement faict au mylieu de la
colonne.
Contre les Doulcines ou goules renversees qui sont en la
coronne, declinantes en pente sur les costez de l'edifice, fault qu'il
y ait des testes de Lyon respondantes a nyveau de chacune colonne, et
les autres du devant et du derriere aussi arrengees par egale
distance: toutesfois la raison requiert qu'il y en ait une droictement
assize soubz le pignon. Celles qui seront a nyveau des colonnes,
soyent percees a jour, et respondantes a la goutiere qui recoit les
eaux de la pluye: mais les autres tenans l'espace du mylieu soubz les
pignons, soyent solides, ou toutes massives, afin que la force de
l'eau qui coule au long des tuyles dans ladicte goutiere, ne tumbe
parmy les entrecolonnes, car elle mouilleroit les passans. Mais quant
aux autres qui sont a fleur des colonnes (comme dict est) elles
peuvent bien getter l'eau par leurs gueules.
J'ay discouru en ce volume au myeux qu'il m'a esté possible,
toutes les particularitez des bastimens Ioniques: parquoy je
m'employeray au suyvant a traicter des proportions Corinthiennes et
Doriques.
En mon Premier {Premer} livre (O Empereur) je vous ay exposé les
proprietez de l'art, et dict les prerogatives dont il doit estre
accompagné: puis de queles doctrines est requis que l'Architecte soit
muny: et si ay suradjousté les causes pourquoy il fault qu'il soit
ainsi. Apres ay distribué par partitions les discours du sommaire
d'Architecture, et l'ay determiné par diffinitions certaines.
Consequemment j'ay exposé par quele industrie on peult elire des lieux
salutaires pour y edifier: chose qui est la principale et plus
necessaire en cest endroict: et n'ay omis a dire quelz sont les Ventz,
et de queles contree ilz soufflent, les representant par pourtraict et
figure. Oultre tout cela j'ay encores enseigné par quel moyen se
doyvent faire les distributions des places et des rues dedans l'enclos
des murailles d'une ville: et ainsi ay mis fin a mon dict Premier
livre.
Au Second j'ay parlé de la matiere, et dict ses utilitez en
bastimens, mesmes queles singularitez la Nature luy a donnees:
maintenant en ce Troysieme je traicteray des Temples consacrez aux
Dieux immortelz, donnant raison comment il les fault conduire pour
venir a perfection d'ouvrage.
sacrees, ensemble des symmetries du corps humain. Chap. I.
Proportion est un certain rapport et convenance des membres ou
particularitez a toute la masse d'un bastiment: et de ceste la vient a
se perfaire la conduitte d'icelles symmetries.
Or n'y a il ne Temple ny autre edifice qui puisse avoir grace de
bonne structure sans symmetrie et proportion, et si la convenance
n'est gardee en toutes ses parties aussi bien qu'en un corps humain
perfectement formé.
CE corps humain a esté compose de la Nature par un tel artifice, que
depuis le bout de son menton jusques au plus hault de son front, ou
est la racine de ses cheveux, cela faict une dixieme partie de son
estendue. Autant en emporte la longueur de la main depuis le ply par
ou elle joinct au bras, jusques a l'extremité du doy du mylieu. Toute
la teste a prendre depuis le bout du susdict menton jusques a la
sommité du test, contient une huytieme partie: et autant en devallant
par derriere jusques a la fin du col. Depuis le hault de la poytrine
jusques aux plus basses racines des cheveux, c'est une sixieme
portion: et si lon monte jusques au plus hault du test, elle vault
justement une quarte.
En cas pareil tous les membres ont chacun leurs perfectes mesures et
proportions, qui ayant esté suyvies par les bons Paintres et Imagiers
antiques, leur ont acquis des louenges infinies. A ceste cause je dy
que les membres des maisons sacrees doyvent avoir en toutes leurs
parties une correspondance de mesures, se rengeant a la totalité de la
masse.
Or le centre ou poinct du mylieu du corps de l'homme, est
naturelement le nombril, car si ledict homme estoit couché tout plat,
ayant les piedz et les mains estendues, puis que lon meist une jambe
du compas sur icelluy nombril, et qu'on allast de l'autre faisant un
rond, la ligne de la circumference toucheroit justement aux extremitez
des doys de ses piedz et de ses mains.
Ces antiques calculerent sur les membres du corps de l'homme, les
raisons des mesures lesquelles semblent estre necessaires en toutes
manieres d'ouvrages, comme sont le poulse, le palme, le pied, et la
coudee: puis les partirent en nombre perfect, que les Grecz appellent
Teleion, c'est a dire finy. Or est ce nombre, celluy de dix, qui fut
premierement inventé sur les doys des mains, dont a esté tiré le
palme, et du palme le pied: consideré que comme Nature a mis dix doys
en icelles deux mains, ainsi fut ce le plaisir de Platon que ce nombre
teinst le lieu de l'entier, veu mesmement que la dixaine s'accomplit
par unitez simples, que lesdictz Grecz appellent monades: et
incontinent que lon en veult faire unze ou douze, teles sommes ne
peuvent estre perfectes, pource qu'elles passent oultre, jusques a ce
qu'elles arrivent encores a une autre dixaine, dont les choses uniques
ne sont sinon partie. Toutesfois les Mathematiciens disputans au
contraire, ont dict que le nombre de six est le plus accomply,
consideré qu'il se divise en six partitions convenables a leurs
sentences: et comptent pour un sextant un, pour un trient deux, pour
un semisse trois, pour un besse (autrement Dimoeron) quatre, pour un
quinterne (aussi appellé Pentamoeron) cinq, et six pour le perfect,
d'autant qu'il croist et s'augmente en nombrant: au moins qui met un
asse avec ce six, il en fait ce qui est dict Ephecton, qui vault
autant que plus de six: mais quand ilz sont pervenuz jusques a huict,
a raison qu'il y a une tierce adjoustee, ilz le nomment Tiersan, et en
grec Epitritos: auquel adjoustant derechef un autre demy, dont ilz
font neuf, cela se dict entr'eulx sesquialter, et parmy les Grecz
Hemiolios. Consequemment apres y avoir adjousté deux parties pour
arriver a la dixaine, ilz le disent Epidimoeron. L'unze, pour amour
qu'il y a cinq adjoustez, ilz le nomment quinterne, et au langage des
Grecz Epipentamoeron. Puis le douze, en consideration qu'il est
compose de deux nombres simples, ilz le baptisent Diplasion.
Or pource que le pied de l'homme est aussi grand que la sixieme
partie de sa haulteur, et que tout corps bien formé advient justement
a ce nombre, ces Mathematiciens ont voulu que ce fust le perfect.
Apres ilz adviserent que la coudee contenoit six palmes, qui font
vingt et quatre poulses. et de cela semble que les citez de Grece se
soyent voulu servir, veu mesmement que comme la coudee est de six
palmes tout ainsi ont elle usé de divisions de poix en leurs drachmes.
Qu'il soit vray, lesdictes citez ont des pieces de monnoye d'arain
merquees a la facon d'Asses, qui en valent justement six des nostres,
et les nomment Oboles, ou aucunesfois quartz d'oboles.
Si est ce toutesfois que noz Romains ont des leur commencement receu
ce dix pour nombre antique, et voulurent que leur Denier feust du pris
de dix Asses d'arain: qui a faict que la composition de ceste monnoye
retient encores aujourdhuy le nom de Denier, et que sa quarte partie
forgee pour deux Asses, et le tiers d'un Semisse, a esté du depuis
dicte Sesterce. Puis quand ilz congneurent que ces deux nombres
estoient perfectz, asavoir le six, et le dix, ilz les redigerent tous
deux en un, et en feirent le tresaccomply, qui est dict Decussissexis,
signifiant un sezain. Mais leur autheur qui les meut a ce faire, fut
le pied: car quand lon a osté deux palmes de la coudee, il reste
seulement un pied de quatre palmes. Or ce palme contient quatre
poulces, et parainsi s'ensuyt que le pied en a seze, et le Denier
d'arain autant d'Asses.
Si donques il est convenable que la facon de nombrer ait esté
trouvee sur les doys des mains le l'homme, et que ces unitez
distinctes, quand elles sont mises ensemble, font une somme ou mesure
correspondante a l'espece universelle du corps, il s'ensuit que nous
nous devons renger sur ceulx qui ayans basty des Temples pour les
Dieux immortelz, en ont telement ordonné les parties, qu'elles encores
qu'on les desjoigne de leurs proportions et symmetries, puis qu'on les
reunisse avec la totalité de la masse, leurs distributions ne laissent
a se monstrer entieres.
Le temple sera dict a Antes, quand il aura en son principal
rencontre les contrefors qui environneront toute sa closture de
muraille, et entre lesdictz contrefors deux colonnes assizes au
mylieu: puis sur le faiste ou comble la symmetrie gardee suyvant mes
preceptes en ce livre. De cestuy cy nous en avons l'exemple aux trois
Fortunes, et par especial en celluy des trois qui est le plus prochain
de la porte Colline, maintenant dicte Salaria.
Chap. II.
Le Pycnostyle est celluy dont les colonnes sont si pres a pres qu'en
leur entredeux il n'y a que l'espace d'un diametre et demy de l'une
d'elles, comme lon veoit en celluy du divin Jule Cesar, ou en cestuy
la de Venus assiz au marché dudict Cesar, et en quelzques autres qui
se treuvent ordonnez en ceste mode.
Mais pour faire le Diastyle il y fault proceder en ceste sorte. Nous
povons mettre en l'entrecolonne l'espace de trois de leurs diametres,
ainsi que lon a faict au temple d'Apollo et de Diane. Mais je dy que
ceste ordonnance porte quant et soy grande incommodité, asavoir que
les Architraves s'en rompent en peu de temps, pour amour de la
grandeur des intervalles ou {on} distances des colonnes.
Maintenant il me fault parler du bastyment Eustyle, qui est le plus
recevable entre les autres, et duquel les raisons sont plus apparentes
tant pour la commodité des personnes, que pour sa bonne grace, et
fermeté durable.
Cestuy la en ses entrecolonnes doyt avoir l'espace de deux diametres
d'icelles, et une quarte partie d'avantage. Mais l'entrecolonne du
mylieu, qui sera tant audevant qu'au derriere, devra porter trois
diametres d'estendue. Ce faisant, l'ouvrage s'en monstrera plaisant a
l'oeuil, l'entree et l'yssue n'en seront point empeschees, et le
promenoer d'alentour de sa Nef en aura beaucoup plus belle apparence.
S'il doit estre de six colonnes, ceste largeur sera divisee en dix
et huict.
Si lon y en veult huict, divisez la en vingt quatre et demy.
Apres soit que lon face ledict Temple de quatre, de six, ou de huict
colonnes de front, prenez l'une de ces partitions, et ceste la servira
de Modele pour vous monstrer combien de grosseur chacune de voz
colonnes devra avoir par le bout d'embas.
Tous les entrecolonnes, excepté ceulx du mylieu, devront avoir
(comme dict est) deux diametres avec une quarte partie. mais lesdictz
du mylieu tant du front comme du fons auront trois Modeles tous
entiers.
La haulteur d'icelles colonnes sera justement de huict
diametres et demy: parainsi moyennant tele division, les entrecolonnes
et les haulteurs de leurs tiges auront leurs mesures convenables. Nous
n'avons point d'exemplaire de ce bastiment dedans Rome, mais il y en a
un en Asie en l'isle de Teo, lequel est octastyle, et dedié au dieu
Bacchus.
L'Architecte qui premierement inventa ces symmetries, fut
Hermogenes, lequel aussi trouva la raison de l'ordre Octastyle,
ensemble du Pseudodipterique. Et qu'il soit vray, il osta de la
composition d'un temple Dipterique, trente et huict colonnes
interieures, telement qu'il rendit les fraiz beaucoup plus modestes,
et l'ouvrage plus tost expedié: encores (qui plus est) en ce faisant
il practiqua grande espace et bonne aysance pour le mylieu de la Nef,
et si la decora d'un beau promenoer tout al'entour: et toutesfois la
belle apparence n'en fut en rien diminuee, ains par distribution
prudente conserva la dignité requise, sans que lon peust dire qu'il y
eust rien de trop ny de trop peu.
La raison de l'ordre Pteromatique, et la disposition des colonnes
environ la Nef d'un Temple, fut premierement inventee afin que pour la
beaulté des entrecolonnes l'apparence s'en monstrast plus sumptueuse
et magnifique: puis d'avantage a ce que si une ravine de pluye venoit
a surprendre une multitude d'hommes dedans le Temple descouvert par le
mylieu, ilz peussent sans sortir, se retirer et mettre a leur ayse
soubz les voultes faictes al'entour de la Nef.
Voyla pourquoy ces choses s'observent encores en la disposition des
Temples Pseudodipteriques, et pourtant est facile a considerer que le
susdict Hermogenes feit ses ouvrages par une bonne industrie
accompagnee de merveilleuse vivacité d'esprit, et qu'il laissa les
sources des fontaines ou ceulx de la posterité pourroient puyser les
raisons de massonnerie.
Pour les edifices qui seront Areostyles, fauldra faire que la ligne
du diametre des colonnes monte a une huitieme partie de leur haulteur.
S'ilz sont Diastyles, chacune colonne se doit mesurer en huict
parties et demye, et luy en donner une pour sa grosseur.
Aux Systyles fault compasser la tige de la colonne en neuf portions
et demye, et l'une de celles la sera pour sa grosseur.
En un Pycnostyle la haulteur de ses colonnes se doyt diviser en dix,
et en assigner une a chacune pour sa juste grosseur.
Mais pour l'Eustyle soit la haulteur d'une colonne partie en huict
egalitez en demye, ne plus ne moins qu'au Diastyle: et l'une d'icelles
donnée a son diametre par le bout d'embas: et par ce moyen lon
trouvera facilement quele devra estre la distance des entrecolonnes en
chacune espece de bastiment: car tout ainsi que ces espaces croyssent
entre lesdictes colonnes, en pareil doyvent estre par proportions
augmentees leurs grosseurs par le bout d'embas. Et qu'il soit vray, si
en un Temple Areostyle la colonne estoit de neuf ou de dix parties,
elle se monstreroit trop maigre et trop debile, a raison que l'air
passant atravers les entrecolonnes, faict (ce semble a la veue)
consumer et diminuer la grosseur de leurs tiges: et au contraire si en
un Pycnostyle la grosseur des colonnes estoit d'une huitieme partie de
leur haulteur, elles se monstreroient par trop enflees, et de mauvaise
grace, pour amour de leur multitude, et le peu d'espace qu'il y auroit
en leurs entrecolonnes. A ceste cause la raison veult que je poursuyve
les symmetries de chacune espece de massonnerie. Mais preallablement
je diray qu'il fault tenir les colonnes
Les retraictes ou rapetissemens de ces colonnes par le bout
d'enhault se doyvent (a mon advis) faire en tele sorte, que si chacune
d'elles a depuis le fons jusques a l'autre bout, environ quinze piedz
de mesure, le diametre dudict fons se doit diviser en six parties, et
de celles la suffira que le bout d'enhault en ayt cinq.
De celle qui sera de quinze a vingt piedz, le gros bout devra estre
party en six egalitez et demye, dont il en fauldra donner cinq et
demye au bout d'enhault.
D'un autre qui auroit de vingt a trente piedz, soit divisé le
diametre par embas en sept portions et demye, desquelles on en
baillera six et demye aubout denhault, et ce sera son rapetissement
convenable.
Quand il s'en presentera de trente a quarante piedz de haulteur,
divisez leur bout d'embas en sept parties et demye, puis donnez les
six et demye a celluy d'enhault, et ainsi voz colonnes auront bonne
retraincte.
Mais si vous en trouvez de quarante a cinquante piedz, il vous
fauldra compartir leur diametre en huict divisions, dont vous en
donnerez les sept a la retraicte du bout d'enhault, et ce sera
droictement ce que luy appartient.
Au demourant s'il est que lon vous en baille de plus haultes,
il vous fauldra faire leurs rapetissemens a l'equipollent, suyvant
ceste raison. Toutesfois quand les colonnes sont si grandes, elles par
la grande estendue de leur haulteur decoyvent la veue des hommes qui
les regardent encontremont: parquoy les bons ouvriers y adjoustent des
temperatures selon le devoir, d'autant que l'oeuil ne cherche sinon
que la beaulté: et si lon ne satisfaict a son plaisir, par additions
convenables, afin que ce en quoy il est abuzé, soit rendu plus
agreable par bonne industrie, son regard s'en revient fasché, et luy
semble l'ouvrage vague, mal conduict, et de mauvaise grace.
Or pour faire le renflement du mylieu des colonnes, que les Grecz
nomment Entasis, j'en monstreray en mon dernier livre la figure, et
enseigneray tout d'une voye par quele practique ce renflement se doyt
faire delicat, et de proportion convenante.
doyvent poser les colonnes, ensemble de leurs ornemens et Architraves, puis de la facon
requise a faire iceulx fondemens tant en lieux plains que mal uniz. Chap. III.
[FIGURE] DORIQUE
[FIGURE] IONIQUE
[FIGURE] IONIQUE
[FIGURE] CORINTE
[FIGURE] CORINTE
[FIGURE] LATINE OU COMPOSEE
[FIGURE] TUSCANE.
Quand cesdictz fondemens auront esté conduictz ainsi qu'il
appartient, il fauldra (comme dict est) poser dessus ces Stylobates ou
petitz murs, les justifiant a la regle et au nyveau.
Sur iceulx Stylobates se doyvent mettre les colonnes par la maniere
que j'ay cy devant enseignee: et si le bastiment doit estre
Pycnostyle, observer son ordre ja escrit: puis pareillement aux
Systyles, Diastyles, et Eustyles: car aux Araeostyles l'ouvrier a
liberté de faire tout ce que bon luy semble. Mais quand ce vient aux
Peripteres, leurs colonnes se doyvent asseoir par tele raison,
qu'autant comme il y en aura au front, autant deux foys y en ait il
sur les costez: et en ce faisant l'edifice sera deux foys aussi long
comme large.
A la verité ceulx qui ont premierement faict la duplication des
colonnes, semblent avoir erré, en ce q'un de leurs ordres va regnant
en plus grande longueur qu'il n'est licite.
Au devant de l'edifice les degrez doyvent tousjours estre en nombre
impair: car d'autant que lon commence a monter du pied droit, il fault
aussi quand lon sera pervenu au plant du Temple, que ledict pied droit
s'y treuve le premier. Pour les haulteurs d'iceulx degrez, mon opinion
est qu'il ne leur en fault donner plus de dix poulces, ny pareillement
moins de neuf: et qui les fera ainsi, trouvera que la montee sera
commode ce qu'elle doyt estre. Leurs Reposoers, Aires, ou Paellieres,
ne doyvent avoir moins d'un pied et demy, ny plus de deux en largeur:
chose que j'ay bien voulu donner a entendre, afin que si lon veult
faire des Escalliers au devant d'un Temples, on les face avec ceste
raison.
Mais si al'entour dudict Temple, specialement en trois costez, il
falloit qu'il y eust une petite ceincture de muraille servant
d'accoudoer, soit faicte et conduicte de sorte que les moulures se
raportent a celles qui seront aux Piedestalz soustenans les colonnes:
lesquelz Piedestalz saillent un petit du plain de la muraille, et
ayent les leurs ressortissantes en dehors: car qui les mettroit a
l'uny, les yeux des regardans pourroient juger qu'il n'y auroit point
d'ouvrage. Afin donc que lesdictes moulures se facent comme il
appartient, et leurs saillyes convenables, j'en feray en mon dernier
livre une demonstration par figure.
Quand toutes ces choses auront esté faictes, soyent les bases des
colonnes assizes en leurs lieux, et formées par tele symmetrie, que
leur haulteur, y comprenant le Plinthe, s'egale au demy diametre de la
colonne: lequel Plinthe ayt sa saillye, que les Grecz nomment Ecphora,
correspondante au quarré de son Piedestal: et parainsi il contiendra
La haulteur de ladicte base si elle est Athenienne, soit divisee en
sorte que sa partie de dessus emporte une troysieme portion du
diametre ja specifié, et le demourant soit laissé pour le Plinthe.
Toutesfois si lon vouloit faire ces bases Ioniques, il fauldra ainsi
observer leurs symmetries, asavoir que la largeur de chacune d'icelles
de tous costez, soit aussi grande que le diametre de la colonne, et
une quarte partie davantage: et quant a la haulteur, il la fault
pareille a l'Athenienne susdicte, et son Plinthe de mesme. le residu,
non compris icelluy Plinthe, qui montera a une tierce partie du
diametre, sera divisé en sept portions egales, dont les trois se
donneront au Bozel de dessus: et des autres quatre dimensions, l'une
servira pour la Nasselle aussi de dessus: l'autre pour les Astragales
ou Armilles avec leurs petiz quarrez: et la tierce restante, pour la
Nasselle de dessoubz: laquelle se
Apres qu'elles seront levees sur leurs piedz, il fauldra
prendre garde a les orner de chapiteaux: lesquelz s'ilz doyvent estre
Ioniques, enrichiz de volutes, se forment suyvant ceste symmetrie,
asavoir que leur tailloer soit aussi long et aussi large que la
colonne a de diametre parembas, et une dixneufieme partie d'avantage.
Mais pour y assigner une juste haulteur, comprenant icelles volutes,
la moytié de ceste mesure suffira. Ce faict, pour arondir les frontz
de ces volutes, fauldra depuis l'extremité du tailloer en retirant en
dedans, prendre une dixhuitieme partie et demye en toutes les quatre
cornes du tailloer, puis tirer contrebas deux lignes dictes cathetes
ou aplomb, l'une partant du bout de la corne du chapiteau, et l'autre
de celle dixhuitieme partie et demye interieure. Ces lignes se devront
compasser en neuf portions et demye prises sur la longueur du
tailloer, auquel en sera laissé une et demye pour son espoisseur.
adonc des huict restantes se feront les volutes, suyvant ces lignes
aplomb dessus specifiees, j'enten celle du bout de la corne du
tailloer, et l'autre qui a de largeur une partie et demye, retournant
en dedans. Celles la s'egaleront en sorte que quatre parties et demye
soient laissees dessoubz le tailloer: et en l'espace qui divisera
icelles quatre parties et demye d'avec les trois et demye restantes,
sera merqué le centre de l'oeuil, puis avec le compas faict un rond
aussi grand en son diametre, que l'une desdictes huict parties. Voyla
quele sera la grandeur dudict oeuil, a travers le centre duquel
fauldra tirer une ligne diametrale croysante pardessus la cathete ou
aplomb. puis poser la jambe immobile du compas en son dict centre, et
de l'autre estendue jusques au dessoubz du tailloer circuyr jusques a
la ligne perpendiculaire passante atravers icelluy centre, et ainsi
aller d'espace en espace diminuant les revolutions de la volute
jusques a ce que lon soit pervenu audict oeuil.
Voyla queles seront les symmetries des chapiteaux propres aux
colonnes Ioniques, lesquelles porteront du moins quinze piedz de
haulteur. Mais pour les autres qui en auront d'avantage, lon observera
leurs proportions suyvant tousjours ceste practique.
Tout Tailloer sera tousjours aussi long et aussi large que sa
colonne portera de diametre par le bout d'embas, et une neufieme
partie d'avantage, afin que tant moins aura la plus haulte colonne de
rapetissement par enhault, le chapiteau n'ayt aussi moindre saillye
selon sa qualité, ny augmentation de haulteur, sinon tant qu'il luy en
fault a l'equipollent.
Je diray en mon dernier livre la maniere de faire les Volutes, et
comment on les doyt justement tourner au Compas pour leur donner bonne
rondeur: mesmes tout d'une voye n'oublieray a en pourtraire la forme.
Estant les chapiteaux perfectz et posez sur les gorges de leurs
colonnes, non a la reigle ou au nyveau, mais par emboystures egales
aussi bien que leurs boutz d'embas assiz dedans leurs Stylobates, il
est convenable que la symmetrie des Architraves corresponde aux autres
membres qui pourront estre encores colloquez audessus.
De ces Architraves donc la raison sera tele, que si les colonnes ont
de douze a quinze piedz de hault, ou environ, la haulteur de l'un
d'eulx devra contenir la moytié du diametre d'icelle colonne par
embas. Si elles portent de quinze a vingt piedz, leur haulteur se
divisera en treze, et l'une de ces pars sera la mesure de
l'Architrave. Si elles sont de vingt a vingt et cinq piedz, leur dicte
haulteur se partisse en douze portions et demye, car l'une servira
pour la proportion requise a son Architrave. Mais si elles montent de
vingt et cinq a trente, cela soit compassé en douze, et une de ces
egalitez fera autant que la haulteur dudict Architrave.
Voyla comment les proportions de ces membres se doyvent prendre a
l'equipollent sur celles des colonnes, a raison que tant plus la veue
de l'homme tire en hault, avec plus grande difficulté peult elle
penetrer la grosseur de l'air: parquoy venant a succumber et a perdre
sa force pour amour de ce grand espace, elle raporte au jugement une
incertaine proportion de modules: et de la vient que pour donner bonne
apparence aux membres d'un bastiment, il y fault tousjours adjouster
un supplement raisonnable, a ce que quand les ouvrages seront
colloquez en lieux haultz, encores que ce soyent Colosses, ou choses
desmesurées, elles viennent a representer une convenable quantité de
grandeur.
La frize regnant audessus de cest Architrave, doyt porter une quarte
partie moins qu'il ne faict, si ce n'est que lon la veuille orner de
besongnes de taille, car en ce cas seroit requis de luy donner celle
quarte d'avantage, afin de les faire bien monstrer.
La Cymaise doyt avoir une septieme portion de haulteur de la frize
qu'elle couvre, et porter autant de saillye comme elle est haulte.
Audessus de celle frize doyt estre faicte la Denteleure aussi haulte
que la seconde filiere de l'Architrave, et avoir autant de saillye que
cela. Fault aussi que son entrecoupeure dicte par les Grecz Metoche,
se divise en sorte que chacune des dentz ayt de front la moytié de sa
haulteur: et le vuyde ou concave, de trois pars les deux: puis la
Doulcine regnant dessus, une sixieme partie de la dicte seconde
filiere.
En apres la Cornice avec aussi sa Cymaise, non compris son petit
quarré, doyt porter autant de hault que la susdicte seconde filiere ou
couche de pierre de l'Architrave: et la saillye d'icelle Cornice,
garnye de sa petite dent par le bout, contenir pareille estendue qu'il
y a depuis la frize jusques a la plus haulte Doulcine de la Cornice:
et pour le dire en peu de paroles, toutes saillyes qui ont autant de
ressort ou forgect que de haulteur, s'en monstrent beaucoup plus
belles, et de meilleure grace.
Les Acroteres ou piedestalz des angles, porteront de haulteur la
moytié du Tympan, et celluy qui sera sur la poincte du mylieu, aura
pour myeux se monstrer, une huytieme portion d'avantage.
VITRUVE.