TROYSIEME LIVRE D'ARCHITECTURE
DE MARC VITRUVE POLLION.

[LO] L'Oracle d'Apollo en l'isle de Delphos, declara par la bouche de Pythius son grand prestre, que Socrates estoit le plus sage des hommes, consideré qu'il avoit tresdoctement et par grand prudence dict qu'il eust esté besoing que les poytrines des hommes eussent esté fenestrees et transparentes, afin que leurs sens ou fantasies ne feussent occultes, mais manifestes et considerables. Pleust a Dieu que Nature suyvant la sentence de ce Philosophe, les eust faictes visibles. Certainement s'il estoit ainsi, lon ne congnoistroit sans plus queles louenges ou vituperes lon peult donner a iceulx hommes, ains l'effect des sciences des disciplines estant subget a la consideration des yeux, ne seroit aucunement approuvé par jugemens depravez: car on bailleroit les authoritez honnorables aux vertueux et de bon savoir. Toutesfois puis qu'il ne peult estre sinon comme il a pleu a ladicte Nature, dela vient que les gens ne peuvent bonnement juger queles sont les sciences des artifices cachee soubz les poytrines closes: qui fait que les ouvriers encores qu'ilz promettent de monstrer leur industrie, ne peuvent par ce moyen acquerir aucun credit, ny donner a entendre qu'ilz sachent ce dont ilz font profession, s'ilz ne sont riches, ou congneuz de longue main par avoir continuelement exercé leurs practiques, ou bien s'ilz n'ont grace de parler comme Advocatz. De ce povons nous prendre exemple sur les Imagiers et Paintres antiques: car ceulx d'entr'eulx qui ont eu renommee d'estre excellens, sont et seront a tousjours honnorez en la memoire de la posterité, comme Myron, Polyclete, Phidias, Lysippe, et plusieurs autres, lesquelz ont acquis reputation par leur art, a raison qu'ilz ont esté employez aux services de Republiques fameuses, de grans Roys, ou autres personnages magnifiques, pour qui ilz ont faict les beaux ouvrages. Mais a la verité il y en avoit d'autres de leur temps mesme, qui n'estoient de rien moins artistes que ceulx la, toutesfois ilz n'ont sceu pervenir a ceste renommee, pource qu'ilz n'ont besongné sinon pour quelzques gentilzhommes ou aucuns citoyens d'humble et modeste fortune: ce neantmoins leurs oeuvres n'estoient inferieures a celles des tant estimez. Parquoy ne fault dire qu'ilz ayent esté desgarniz de bon savoir, et docte experience, mais seulement abandonnez de felicité humaine. En ce nombre sont Hellas d'Athenes, Chion de Corinthe, Myagre de Phocee, Pharax d'Ephese, Bedas de Byzance, et assez de telz Imagiers: et quant aux Paintres ne fault taire Aristomenes de Thasie, Polycles Atramitain, Nicomache, et innumerables, qui ont esté bien pourveuz d'industrie, d'amour de leur art, et de practique suffisante. Ce non obstant, ou le peu de biens qu'ilz avoient, ou la malignité de fortune, ou la victoire de leurs emulateurs contendans contr'eulx par ambition, se sont opposees a leur gloire. A ceste cause je dy qu'il ne se fault esbahir si les vertuz des artz sont obscurcies par ignorance, mais lon peult grandement detester la commune facon de faire, qui est que par la corruption de festins et bancquetz lon decline des vrays jugemens aux approbations faulses et erronees. Si donques les sens et opinions des hommes, mesmes les sciences augmentees par estudes estoient transparentes et visibles (comme Socrates le desiroit) la flatterie ny l'ambition n'auroit plus de lieu: ains si aucuns pervenoient au souverain degré de science par extreme labeur et bonne conduitte, lon leur bailleroit de pleine volunté les ouvrages a faire. Mais d'autant que les fantasies d'iceulx hommes ne sont visibles (comme dict est) ce qu'il me semble qu'elles devroient estre: je voy que les lourdaux surmontent les meilleurs ouvriers en grace et en faveur. Parquoy je me resoulz qu'il ne se fault amuzer a combatre ces grosses bestes, pour couvoytise de faire les ouvrages, ains ayme trop mieulx par ces miens escriz faire apparoir quele est la vertu de ma science.
En mon Premier {Premer} livre (O Empereur) je vous ay exposé les proprietez de l'art, et dict les prerogatives dont il doit estre accompagné: puis de queles doctrines est requis que l'Architecte soit muny: et si ay suradjousté les causes pourquoy il fault qu'il soit ainsi. Apres ay distribué par partitions les discours du sommaire d'Architecture, et l'ay determiné par diffinitions certaines. Consequemment j'ay exposé par quele industrie on peult elire des lieux salutaires pour y edifier: chose qui est la principale et plus necessaire en cest endroict: et n'ay omis a dire quelz sont les Ventz, et de queles contree ilz soufflent, les representant par pourtraict et figure. Oultre tout cela j'ay encores enseigné par quel moyen se doyvent faire les distributions des places et des rues dedans l'enclos des murailles d'une ville: et ainsi ay mis fin a mon dict Premier livre.
Au Second j'ay parlé de la matiere, et dict ses utilitez en bastimens, mesmes queles singularitez la Nature luy a donnees: maintenant en ce Troysieme je traicteray des Temples consacrez aux Dieux immortelz, donnant raison comment il les fault conduire pour venir a perfection d'ouvrage.

DE LA COMPOSITION DES MAISONS
sacrees, ensemble des symmetries du corps humain. Chap. I.

[LO] LA composition des Temples consiste en symmetrie, delaquelle tous Architectes doyvent diligemment entendre le secret. Ceste symmetrie est engendree de proportion, que les Grecz nomment Analogie.
Proportion est un certain rapport et convenance des membres ou particularitez a toute la masse d'un bastiment: et de ceste la vient a se perfaire la conduitte d'icelles symmetries.
Or n'y a il ne Temple ny autre edifice qui puisse avoir grace de bonne structure sans symmetrie et proportion, et si la convenance n'est gardee en toutes ses parties aussi bien qu'en un corps humain perfectement formé.
CE corps humain a esté compose de la Nature par un tel artifice, que depuis le bout de son menton jusques au plus hault de son front, ou est la racine de ses cheveux, cela faict une dixieme partie de son estendue. Autant en emporte la longueur de la main depuis le ply par ou elle joinct au bras, jusques a l'extremité du doy du mylieu. Toute la teste a prendre depuis le bout du susdict menton jusques a la sommité du test, contient une huytieme partie: et autant en devallant par derriere jusques a la fin du col. Depuis le hault de la poytrine jusques aux plus basses racines des cheveux, c'est une sixieme portion: et si lon monte jusques au plus hault du test, elle vault justement une quarte.

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Quant a la mesure du visage, depuis le bout du menton jusques au dessoubz des narines, cela en tient une troysieme partie. Le nez aussi depuis le bout des susdictes narines, jusques au mylieu d'entre les deux sourcilz, s'estend en pareille longueur: et l'espace de ce poinct la jusques a la plus basse racine des cheveux, qui fait le front, en a tout autant. Le pied, a comprendre la rondeur du talon passant par dessoubz la semelle jusques a l'extremité du second orteil, arrive a une sixieme partie de toute la haulteur du corps. La coudee, c'est a dire depuis le ply du bras jusques au bout du doy du mylieu de la main, fait une quatrieme bien mesuree: et la poytrine ne plus ne moins, a prendre depuis le commencement du ventre au dessus du nombril, jusques audessoubz du menton.
En cas pareil tous les membres ont chacun leurs perfectes mesures et proportions, qui ayant esté suyvies par les bons Paintres et Imagiers antiques, leur ont acquis des louenges infinies. A ceste cause je dy que les membres des maisons sacrees doyvent avoir en toutes leurs parties une correspondance de mesures, se rengeant a la totalité de la masse.
Or le centre ou poinct du mylieu du corps de l'homme, est naturelement le nombril, car si ledict homme estoit couché tout plat, ayant les piedz et les mains estendues, puis que lon meist une jambe du compas sur icelluy nombril, et qu'on allast de l'autre faisant un rond, la ligne de la circumference toucheroit justement aux extremitez des doys de ses piedz et de ses mains.

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Encores tout ainsi qu'il fait la figure ronde, ne plus ne moins se treuve en luy la perfectement quarree: car si lon mesure depuis la plante des piedz jusques au plus hault de la teste, et que lon tire une pareille ligne par dessus ses mains estendues, lon trouvera que ceste la sera autant large que l'autre est longue, et que lon en pourra former le quarré perfect aussi bien que des choses plattes esquarries au moyen de la regle. Si donc nature a en tele sorte composé le corps de l'homme, asavoir que tous les membres correspondent par proportions a sa juste figure: il semble que les antiques n'ont sans bonne cause ordonné que pour rendre les ouvrages en perfection, toutes les especes de mesure y estans requises, ayent en chacun de leurs membres une convenance legitime: et pourtant quand ilz enseignoient les ordres qui se doyvent suyvre en tous edifices, leur plaisir estoit que cela s'observast singulierement en la structure des Temples, ausquelz on veoit a perpetuité queles louenges ou vituperes lon doit donner aux ouvriers qui en ont eu la conduitte.
Ces antiques calculerent sur les membres du corps de l'homme, les raisons des mesures lesquelles semblent estre necessaires en toutes manieres d'ouvrages, comme sont le poulse, le palme, le pied, et la coudee: puis les partirent en nombre perfect, que les Grecz appellent Teleion, c'est a dire finy. Or est ce nombre, celluy de dix, qui fut premierement inventé sur les doys des mains, dont a esté tiré le palme, et du palme le pied: consideré que comme Nature a mis dix doys en icelles deux mains, ainsi fut ce le plaisir de Platon que ce nombre teinst le lieu de l'entier, veu mesmement que la dixaine s'accomplit par unitez simples, que lesdictz Grecz appellent monades: et incontinent que lon en veult faire unze ou douze, teles sommes ne peuvent estre perfectes, pource qu'elles passent oultre, jusques a ce qu'elles arrivent encores a une autre dixaine, dont les choses uniques ne sont sinon partie. Toutesfois les Mathematiciens disputans au contraire, ont dict que le nombre de six est le plus accomply, consideré qu'il se divise en six partitions convenables a leurs sentences: et comptent pour un sextant un, pour un trient deux, pour un semisse trois, pour un besse (autrement Dimoeron) quatre, pour un quinterne (aussi appellé Pentamoeron) cinq, et six pour le perfect, d'autant qu'il croist et s'augmente en nombrant: au moins qui met un asse avec ce six, il en fait ce qui est dict Ephecton, qui vault autant que plus de six: mais quand ilz sont pervenuz jusques a huict, a raison qu'il y a une tierce adjoustee, ilz le nomment Tiersan, et en grec Epitritos: auquel adjoustant derechef un autre demy, dont ilz font neuf, cela se dict entr'eulx sesquialter, et parmy les Grecz Hemiolios. Consequemment apres y avoir adjousté deux parties pour arriver a la dixaine, ilz le disent Epidimoeron. L'unze, pour amour qu'il y a cinq adjoustez, ilz le nomment quinterne, et au langage des Grecz Epipentamoeron. Puis le douze, en consideration qu'il est compose de deux nombres simples, ilz le baptisent Diplasion.
Or pource que le pied de l'homme est aussi grand que la sixieme partie de sa haulteur, et que tout corps bien formé advient justement a ce nombre, ces Mathematiciens ont voulu que ce fust le perfect. Apres ilz adviserent que la coudee contenoit six palmes, qui font vingt et quatre poulses. et de cela semble que les citez de Grece se soyent voulu servir, veu mesmement que comme la coudee est de six palmes tout ainsi ont elle usé de divisions de poix en leurs drachmes. Qu'il soit vray, lesdictes citez ont des pieces de monnoye d'arain merquees a la facon d'Asses, qui en valent justement six des nostres, et les nomment Oboles, ou aucunesfois quartz d'oboles. lesquelz aussi aucunes d'entr'elles appellent Dichalces, et les autres Trichalces, qui se mettent en leursdictes drachmes pour vingt et quatre grains.
Si est ce toutesfois que noz Romains ont des leur commencement receu ce dix pour nombre antique, et voulurent que leur Denier feust du pris de dix Asses d'arain: qui a faict que la composition de ceste monnoye retient encores aujourdhuy le nom de Denier, et que sa quarte partie forgee pour deux Asses, et le tiers d'un Semisse, a esté du depuis dicte Sesterce. Puis quand ilz congneurent que ces deux nombres estoient perfectz, asavoir le six, et le dix, ilz les redigerent tous deux en un, et en feirent le tresaccomply, qui est dict Decussissexis, signifiant un sezain. Mais leur autheur qui les meut a ce faire, fut le pied: car quand lon a osté deux palmes de la coudee, il reste seulement un pied de quatre palmes. Or ce palme contient quatre poulces, et parainsi s'ensuyt que le pied en a seze, et le Denier d'arain autant d'Asses.
Si donques il est convenable que la facon de nombrer ait esté trouvee sur les doys des mains le l'homme, et que ces unitez distinctes, quand elles sont mises ensemble, font une somme ou mesure correspondante a l'espece universelle du corps, il s'ensuit que nous nous devons renger sur ceulx qui ayans basty des Temples pour les Dieux immortelz, en ont telement ordonné les parties, qu'elles encores qu'on les desjoigne de leurs proportions et symmetries, puis qu'on les reunisse avec la totalité de la masse, leurs distributions ne laissent a se monstrer entieres.

Les commencemens de ces edifices sont ceulx par lesquelz se monstre quele devra estre leur forme totale, specialement par les Antes, que les Grecz disent Naos en parastasi, c'est adire Contrefors ou Pilastres quarrez miz au long des murailles, et specialement sur les coingz. Puis les especes dont ilz devront estre, asavoir ou Prostyles, autrement ornez de colonnes en la face de devant: {deuat} ou Amphiprostyles, a double reng de colonnes en ce mesme front: Peripteriques, ou garniz d'aelles dictes promenoers a l'entour de la Nef: Pseudodipteriques, qui signifient, sans aelles, ou n'ayant que le simple circuyt des murailles: Dipteriques, ou a doubles promenoers soubz les costieres: et Hypaethriques, autrement exposez a l'air et a la pluye, n'estans en rien couvertz par le mylieu: de tous lesquelz seront cy apres les modes exprimees par les deductions que j'en feray entendre aux lecteurs.
Le temple sera dict a Antes, quand il aura en son principal rencontre les contrefors qui environneront toute sa closture de muraille, et entre lesdictz contrefors deux colonnes assizes au mylieu: puis sur le faiste ou comble la symmetrie gardee suyvant mes preceptes en ce livre. De cestuy cy nous en avons l'exemple aux trois Fortunes, et par especial en celluy des trois qui est le plus prochain de la porte Colline, maintenant dicte Salaria.

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Le Prostyle a toutes les particularitez de celluy a Antes, mais il a davantage deux colonnes contre les pilastres des coingz, et son Architrave pardessus, ne plus ne moins que le dessusdict: puis encores est decoré d'une autre assize sur chacune areste de ses encoigneures. L'exemple de cestuy la est en l'Isle du Tibre, au Temple de Jupiter et Faunus.

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L'Amphiprostyle aussi a tous les ordres de ce Prostyle, et oultre plus a en son fons ou postique, des colonnes, et son faiste propre, ainsi qu'il sera dict.

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Le Peripterique sera celluy qui en ses devant et derriere aura six colonnes, et sur les costez unze, a compter celles des coingz, et que ces colonnes seront assizes de sorte qu'il y ait autant de distance depuis les murs de toutes pars jusques a elles, que la grandeur de l'entrecolonne se pourra estendre, et ce pour faire un promenoer al'entour de la nef, comme il y a au Portique ou gallerie de Metellus dediee a Jupiter Stator, en ceste la d'Hermodius, et en celles de Marius consacrees a l'Honneur et a la Vertu, qui furent faictes par un certain Mutius, lequel n'y voulut point mettre de fons a mur razé.

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Le Pseudodipterique est de tel art, qu'en son commencement et en son bout il y a huict colonnes, et quinze sur les costez, a compter celles des coingz. Les murailles de la Nef sont directement opposites aux quatre colonnes du mylieu, posees tant au dict commencement, qu'en son bout: et depuis le tour de la muraille jusques aux piedz desdictes colonnes, y a autant d'espace, comme contient la longueur de deux entrecolonnes. Nous n'avons point de monstre de cecy en ceste ville, mais il s'en treuve a Magnesie en Asie, au Temple de Diane edifié par Hermogenes Alabandus, et en celluy d'Apollo, faict par un maistre qu'on nommoit Amnestus.

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Le Dipterique est octastyle, c'estadire a un reng de huict colonnes, tant en son principal rencontre qu'en son fons: et environ le tour de sa Nef a double ordre d'icelles colonnes, ne plus ne moins que le Temple de Quirinus, basty a la facon Dorique, et celluy de Diane en Ephese, edifié a l'Ionique par Ctesiphon.

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L'hypaethrique aussi est decastyle, pource qu'il a dix doubles colonnes arrengees en lignes droittes, tant en son front qu'en son postique: et au demourant contient toutes les particularitez du Dipterique: mais davantage a encores en sa Nef dedans oeuvre, d'autres colonnes reculees du circuyt de la muraille, comme si c'estoit pour un Portique ou Peristyle. Le mylieu de ce bastiment est exposé a l'air, sans aucune couverture: et si y a deux portes pour entrer et saillir tant par devant que par derriere. L'exemple de cestuy la n'est point en Rome, mais en Athenes au temple de Jupiter Olympique, ou il est seulement octastyle, autrement a huict colonnes de reng.

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DES CINQ ESPECES DE BASTIMENT.
Chap. II.

[LO] IL y a cinq manieres de bastir Temples, qui se nomment en termes propres, Pycnostyle, c'estadire fort peuplé de colonnes. Systyle, qui n'en a pas tant du tout. Diastyle, estant plus au large, et dont les colonnes sont plus clair semees qu'il n'est requis. Araeostyle, qui en ses entrecolonnes a l'espace de trois diametres par embas: et l'Eustyle, c'estadire deuement et par juste distribution enrichy d'icelles colonnes.
Le Pycnostyle est celluy dont les colonnes sont si pres a pres qu'en leur entredeux il n'y a que l'espace d'un diametre et demy de l'une d'elles, comme lon veoit en celluy du divin Jule Cesar, ou en cestuy la de Venus assiz au marché dudict Cesar, et en quelzques autres qui se treuvent ordonnez en ceste mode.

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Le Systyle est celluy en l'entrecolonne duquel y a la distance de deux diametres, et dont les plinthes de leurs bases sont aussi grandz que cest espace, comme il se veoit au temple de Fortune chevalureuse, situé pres le Theatre de pierre, et en plusieurs autres qui ont esté ainsi edifiez.

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Ces deux genres ou especes de bastimens sont vicieuses. La raison est, que quand les Dames ou Bourgeoyses ont monté les degrez pour y aller faire leurs prieres, elles ne peuvent passer par les entrecolonnes se tenant par les mains, si elles ne tournoyent l'une apres l'autre. D'avantage la veue de la porte est obscurcye par la pluralité des colonnes, aussi sont bien les representations des Dieux, et (qui pis est) lon ne se peult bonnement promener a l'entour, a cause que le passage est trop estroict.
Mais pour faire le Diastyle il y fault proceder en ceste sorte. Nous povons mettre en l'entrecolonne l'espace de trois de leurs diametres, ainsi que lon a faict au temple d'Apollo et de Diane. Mais je dy que ceste ordonnance porte quant et soy grande incommodité, asavoir que les Architraves s'en rompent en peu de temps, pour amour de la grandeur des intervalles ou {on} distances des colonnes.

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Pareillement si nous faisons noz temples Areostyles, il ne sera permis d'user d'Architraves de pierre ny de marbre, mais convient en leur lieu se servir de bons gros sommiers de charpenterie.

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Les proprietez de ces Temples sont Baryces, et Barycephales, c'est a dire larges et estroittes, mesmes ou les voix des Chantres se rendent resonnantes ou debiles. Lon enrichit leurs combles de terre cuitte esmaillee, ou de placques d'arain dorees pardessus a la mode Tuscane, ainsi que lon veoit aux Temples de Ceres et Hercules, situez pres du grand Cirque, autrement place ou lon joue les jeux, et pareillement au Capitole de Pompee.
Maintenant il me fault parler du bastyment Eustyle, qui est le plus recevable entre les autres, et duquel les raisons sont plus apparentes tant pour la commodité des personnes, que pour sa bonne grace, et fermeté durable.
Cestuy la en ses entrecolonnes doyt avoir l'espace de deux diametres d'icelles, et une quarte partie d'avantage. Mais l'entrecolonne du mylieu, qui sera tant audevant qu'au derriere, devra porter trois diametres d'estendue. Ce faisant, l'ouvrage s'en monstrera plaisant a l'oeuil, l'entree et l'yssue n'en seront point empeschees, et le promenoer d'alentour de sa Nef en aura beaucoup plus belle apparence.

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Pour en venir donc a la practique, il fauldra besongner comme {commme} sensuyt. Si le front ou devant de ce Temple, selon la largeur qu'on luy vouldra donner, doyt estre Testrastyle, c'est a dire enrichy de quatre colonnes, l'ouvrier compartira ceste largeur en unze portions et demye, non compris en ce les saillies des bases sur les coingz.
S'il doit estre de six colonnes, ceste largeur sera divisee en dix et huict.
Si lon y en veult huict, divisez la en vingt quatre et demy.
Apres soit que lon face ledict Temple de quatre, de six, ou de huict colonnes de front, prenez l'une de ces partitions, et ceste la servira de Modele pour vous monstrer combien de grosseur chacune de voz colonnes devra avoir par le bout d'embas.
Tous les entrecolonnes, excepté ceulx du mylieu, devront avoir (comme dict est) deux diametres avec une quarte partie. mais lesdictz du mylieu tant du front comme du fons auront trois Modeles tous entiers.
La haulteur d'icelles colonnes sera justement de huict diametres et demy: parainsi moyennant tele division, les entrecolonnes et les haulteurs de leurs tiges auront leurs mesures convenables. Nous n'avons point d'exemplaire de ce bastiment dedans Rome, mais il y en a un en Asie en l'isle de Teo, lequel est octastyle, et dedié au dieu Bacchus.
L'Architecte qui premierement inventa ces symmetries, fut Hermogenes, lequel aussi trouva la raison de l'ordre Octastyle, ensemble du Pseudodipterique. Et qu'il soit vray, il osta de la composition d'un temple Dipterique, trente et huict colonnes interieures, telement qu'il rendit les fraiz beaucoup plus modestes, et l'ouvrage plus tost expedié: encores (qui plus est) en ce faisant il practiqua grande espace et bonne aysance pour le mylieu de la Nef, et si la decora d'un beau promenoer tout al'entour: et toutesfois la belle apparence n'en fut en rien diminuee, ains par distribution prudente conserva la dignité requise, sans que lon peust dire qu'il y eust rien de trop ny de trop peu.
La raison de l'ordre Pteromatique, et la disposition des colonnes environ la Nef d'un Temple, fut premierement inventee afin que pour la beaulté des entrecolonnes l'apparence s'en monstrast plus sumptueuse et magnifique: puis d'avantage a ce que si une ravine de pluye venoit a surprendre une multitude d'hommes dedans le Temple descouvert par le mylieu, ilz peussent sans sortir, se retirer et mettre a leur ayse soubz les voultes faictes al'entour de la Nef.
Voyla pourquoy ces choses s'observent encores en la disposition des Temples Pseudodipteriques, et pourtant est facile a considerer que le susdict Hermogenes feit ses ouvrages par une bonne industrie accompagnee de merveilleuse vivacité d'esprit, et qu'il laissa les sources des fontaines ou ceulx de la posterité pourroient puyser les raisons de massonnerie.
Pour les edifices qui seront Areostyles, fauldra faire que la ligne du diametre des colonnes monte a une huitieme partie de leur haulteur.
S'ilz sont Diastyles, chacune colonne se doit mesurer en huict parties et demye, et luy en donner une pour sa grosseur.
Aux Systyles fault compasser la tige de la colonne en neuf portions et demye, et l'une de celles la sera pour sa grosseur.
En un Pycnostyle la haulteur de ses colonnes se doyt diviser en dix, et en assigner une a chacune pour sa juste grosseur.
Mais pour l'Eustyle soit la haulteur d'une colonne partie en huict egalitez en demye, ne plus ne moins qu'au Diastyle: et l'une d'icelles donnée a son diametre par le bout d'embas: et par ce moyen lon trouvera facilement quele devra estre la distance des entrecolonnes en chacune espece de bastiment: car tout ainsi que ces espaces croyssent entre lesdictes colonnes, en pareil doyvent estre par proportions augmentees leurs grosseurs par le bout d'embas. Et qu'il soit vray, si en un Temple Areostyle la colonne estoit de neuf ou de dix parties, elle se monstreroit trop maigre et trop debile, a raison que l'air passant atravers les entrecolonnes, faict (ce semble a la veue) consumer et diminuer la grosseur de leurs tiges: et au contraire si en un Pycnostyle la grosseur des colonnes estoit d'une huitieme partie de leur haulteur, elles se monstreroient par trop enflees, et de mauvaise grace, pour amour de leur multitude, et le peu d'espace qu'il y auroit en leurs entrecolonnes. A ceste cause la raison veult que je poursuyve les symmetries de chacune espece de massonnerie. Mais preallablement je diray qu'il fault tenir les colonnes des coingz plus grosses que les autres d'une cinquantieme partie de leur diametre, consideré que pour estre environnees d'air, elles s'en monstrent plus menues aux regardans: et pour y remedier fault que lon subvienne par bonne practique a ce qui decoit le regard des personnes.
Les retraictes ou rapetissemens de ces colonnes par le bout d'enhault se doyvent (a mon advis) faire en tele sorte, que si chacune d'elles a depuis le fons jusques a l'autre bout, environ quinze piedz de mesure, le diametre dudict fons se doit diviser en six parties, et de celles la suffira que le bout d'enhault en ayt cinq.
De celle qui sera de quinze a vingt piedz, le gros bout devra estre party en six egalitez et demye, dont il en fauldra donner cinq et demye au bout d'enhault.
D'un autre qui auroit de vingt a trente piedz, soit divisé le diametre par embas en sept portions et demye, desquelles on en baillera six et demye aubout denhault, et ce sera son rapetissement convenable.
Quand il s'en presentera de trente a quarante piedz de haulteur, divisez leur bout d'embas en sept parties et demye, puis donnez les six et demye a celluy d'enhault, et ainsi voz colonnes auront bonne retraincte.
Mais si vous en trouvez de quarante a cinquante piedz, il vous fauldra compartir leur diametre en huict divisions, dont vous en donnerez les sept a la retraicte du bout d'enhault, et ce sera droictement ce que luy appartient.
Au demourant s'il est que lon vous en baille de plus haultes, il vous fauldra faire leurs rapetissemens a l'equipollent, suyvant ceste raison. Toutesfois quand les colonnes sont si grandes, elles par la grande estendue de leur haulteur decoyvent la veue des hommes qui les regardent encontremont: parquoy les bons ouvriers y adjoustent des temperatures selon le devoir, d'autant que l'oeuil ne cherche sinon que la beaulté: et si lon ne satisfaict a son plaisir, par additions convenables, afin que ce en quoy il est abuzé, soit rendu plus agreable par bonne industrie, son regard s'en revient fasché, et luy semble l'ouvrage vague, mal conduict, et de mauvaise grace.
Or pour faire le renflement du mylieu des colonnes, que les Grecz nomment Entasis, j'en monstreray en mon dernier livre la figure, et enseigneray tout d'une voye par quele practique ce renflement se doyt faire delicat, et de proportion convenante.

DES FONDEMENS DE MURAILLE SUR QUOY
doyvent poser les colonnes, ensemble de leurs ornemens et Architraves, puis de la facon
requise a faire iceulx fondemens tant en lieux plains que mal uniz. Chap.
III.

[LO] LEs fondemens de ces manieres de massonnerie soient fouillez et creusez jusques au tuf ou lict de terre ferme (s'il est possible de le trouver) et la dessus soient faictz de largeur condecente selon la pesanteur de la masse qu'ilz auront a porter. Mais il fault singulierement prendre garde a ce qu'ilz soient fermes et bien massonnez en toutes leurs parties: puis quand on les aura levez jusques a la superficie de la terre, la dessus fauldra bastir des petitz murs qui serviront comme de siege pour les colonnes, et les tenir deux fois plus espoys que leurs tiges, a celle fin que les parties basses soyent tousjours plus fermes que celles de dessus. Cesdictz petitz murs se nomment Stylobates, a raison qu'ilz portent la charge.

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[FIGURE] DORIQUE [FIGURE] TUSCANE [FIGURE] TUSCANE
[FIGURE] DORIQUE [FIGURE] IONIQUE
[FIGURE] IONIQUE [FIGURE] CORINTE [FIGURE] CORINTE
[FIGURE] LATINE OU COMPOSEE [FIGURE] TUSCANE.

Les saillyes des bases ne doyvent passer oultre l'espoysseur de leur siege. Puis au second estage fauldra encores observer l'espoysseur de la muraille suyvant ceste regle: mais il sera bon que les murs entredeux d'icelles colonnes soyent renforcez d'arceaux, ou bien garniz de pilotiz, a celle fin qu'ilz ne se desmentent ou demolissent. Toutesfois qui ne pourroit en faisant iceulx fondemens, trouver le lict de terre ferme, et que le fons feust mal uny, ou de nature marescageuse: en ce cas il seroit requis de fouiller le plus avant que lon pourra, pour le tarir s'il est possible, puis y ficher de bons pieux d'Aulne, d'Olivier, ou de Chesne, ayguisez et brulez par le bout, mesmes les arrenger pres a pres l'un de l'autre, les enfonceant a grans coupz de Bellier, qui est un engin propre a ce faire, et emplir leurs espaces de charbon, puis asseoir ladessus les fondemens, massonnez de la meilleure matiere que trouver se pourra.
Quand cesdictz fondemens auront esté conduictz ainsi qu'il appartient, il fauldra (comme dict est) poser dessus ces Stylobates ou petitz murs, les justifiant a la regle et au nyveau.
Sur iceulx Stylobates se doyvent mettre les colonnes par la maniere que j'ay cy devant enseignee: et si le bastiment doit estre Pycnostyle, observer son ordre ja escrit: puis pareillement aux Systyles, Diastyles, et Eustyles: car aux Araeostyles l'ouvrier a liberté de faire tout ce que bon luy semble. Mais quand ce vient aux Peripteres, leurs colonnes se doyvent asseoir par tele raison, qu'autant comme il y en aura au front, autant deux foys y en ait il sur les costez: et en ce faisant l'edifice sera deux foys aussi long comme large.
A la verité ceulx qui ont premierement faict la duplication des colonnes, semblent avoir erré, en ce q'un de leurs ordres va regnant en plus grande longueur qu'il n'est licite.
Au devant de l'edifice les degrez doyvent tousjours estre en nombre impair: car d'autant que lon commence a monter du pied droit, il fault aussi quand lon sera pervenu au plant du Temple, que ledict pied droit s'y treuve le premier. Pour les haulteurs d'iceulx degrez, mon opinion est qu'il ne leur en fault donner plus de dix poulces, ny pareillement moins de neuf: et qui les fera ainsi, trouvera que la montee sera commode ce qu'elle doyt estre. Leurs Reposoers, Aires, ou Paellieres, ne doyvent avoir moins d'un pied et demy, ny plus de deux en largeur: chose que j'ay bien voulu donner a entendre, afin que si lon veult faire des Escalliers au devant d'un Temples, on les face avec ceste raison.
Mais si al'entour dudict Temple, specialement en trois costez, il falloit qu'il y eust une petite ceincture de muraille servant d'accoudoer, soit faicte et conduicte de sorte que les moulures se raportent a celles qui seront aux Piedestalz soustenans les colonnes: lesquelz Piedestalz saillent un petit du plain de la muraille, et ayent les leurs ressortissantes en dehors: car qui les mettroit a l'uny, les yeux des regardans pourroient juger qu'il n'y auroit point d'ouvrage. Afin donc que lesdictes moulures se facent comme il appartient, et leurs saillyes convenables, j'en feray en mon dernier livre une demonstration par figure.
Quand toutes ces choses auront esté faictes, soyent les bases des colonnes assizes en leurs lieux, et formées par tele symmetrie, que leur haulteur, y comprenant le Plinthe, s'egale au demy diametre de la colonne: lequel Plinthe ayt sa saillye, que les Grecz nomment Ecphora, correspondante au quarré de son Piedestal: et parainsi il contiendra en long et en large un diametre et demy du bout d'embas de la colonne.
La haulteur de ladicte base si elle est Athenienne, soit divisee en sorte que sa partie de dessus emporte une troysieme portion du diametre ja specifié, et le demourant soit laissé pour le Plinthe.

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Ceste partie de dessus dont je vien prochainement de parler, soit compassee en quatre divisions, non compris en ce ledict Plinthe: et le Bozel de dessus, ayt une quarte de ces parties: puis des autres trois restantes egalement compassees, l'une sera pour le Bozel d'embas, et le residu pour la Nasselle, que les Grecz nomment Scotia ou Trochilos, c'estadire obscure, ou Poulye, avec ses petiz quarrez.
Toutesfois si lon vouloit faire ces bases Ioniques, il fauldra ainsi observer leurs symmetries, asavoir que la largeur de chacune d'icelles de tous costez, soit aussi grande que le diametre de la colonne, et une quarte partie davantage: et quant a la haulteur, il la fault pareille a l'Athenienne susdicte, et son Plinthe de mesme. le residu, non compris icelluy Plinthe, qui montera a une tierce partie du diametre, sera divisé en sept portions egales, dont les trois se donneront au Bozel de dessus: et des autres quatre dimensions, l'une servira pour la Nasselle aussi de dessus: l'autre pour les Astragales ou Armilles avec leurs petiz quarrez: et la tierce restante, pour la Nasselle de dessoubz: laquelle se monstrera plus grande que sa superieure, pour amour qu'elle aura sa saillye amortissante sur l'extremité du plinthe. Lesdictz astragales ou armilles se doyvent faire chacun d'une huitieme partie de la nasselle, leur saillye semblablement d'une huitieme portion de la haulteur de la base, et d'une sezieme de tout le diametre de la colonne.

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Estant ces bases ainsi formees et assizes, les colonnes du mylieu tant au front comme au derriere de l'edifice, devront estre posees dessus en ligne perpendiculaire, respondant au mylieu du centre de la base: puis celles des coingz, et les autres qui doyvent apres suyvre leur ordre du long des costez d'icelluy temple, tant a droict comme a gauche, en cas pareil estre mises a plomb, si bien que leurs dehors et leurs dedans qui regardent les murailles de la nef, se monstrent droictz a la veue des hommes. Et pour venir a leur rapetissement par enhault, il y fault proceder comme j'ay dict. Ce faisant, la figure de la composition se trouvera belle et bien entendue, par especial icelluy rapetissement des colonnes practiqué par raison reguliere.
Apres qu'elles seront levees sur leurs piedz, il fauldra prendre garde a les orner de chapiteaux: lesquelz s'ilz doyvent estre Ioniques, enrichiz de volutes, se forment suyvant ceste symmetrie, asavoir que leur tailloer soit aussi long et aussi large que la colonne a de diametre parembas, et une dixneufieme partie d'avantage. Mais pour y assigner une juste haulteur, comprenant icelles volutes, la moytié de ceste mesure suffira. Ce faict, pour arondir les frontz de ces volutes, fauldra depuis l'extremité du tailloer en retirant en dedans, prendre une dixhuitieme partie et demye en toutes les quatre cornes du tailloer, puis tirer contrebas deux lignes dictes cathetes ou aplomb, l'une partant du bout de la corne du chapiteau, et l'autre de celle dixhuitieme partie et demye interieure. Ces lignes se devront compasser en neuf portions et demye prises sur la longueur du tailloer, auquel en sera laissé une et demye pour son espoisseur. adonc des huict restantes se feront les volutes, suyvant ces lignes aplomb dessus specifiees, j'enten celle du bout de la corne du tailloer, et l'autre qui a de largeur une partie et demye, retournant en dedans. Celles la s'egaleront en sorte que quatre parties et demye soient laissees dessoubz le tailloer: et en l'espace qui divisera icelles quatre parties et demye d'avec les trois et demye restantes, sera merqué le centre de l'oeuil, puis avec le compas faict un rond aussi grand en son diametre, que l'une desdictes huict parties. Voyla quele sera la grandeur dudict oeuil, a travers le centre duquel fauldra tirer une ligne diametrale croysante pardessus la cathete ou aplomb. puis poser la jambe immobile du compas en son dict centre, et de l'autre estendue jusques au dessoubz du tailloer circuyr jusques a la ligne perpendiculaire passante atravers icelluy centre, et ainsi aller d'espace en espace diminuant les revolutions de la volute jusques a ce que lon soit pervenu audict oeuil.

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Mais au regard de la haulteur du chapiteau, il la fault ainsi faire, asavoir que des neuf parties et demye susdictes, trois luy en soyent donnees a compter depuis le dessus de la platte bande de son Tailloer, jusques a ce qui posera sur l'Astragale ou membre rond estant en la gorge de la colonne: et la demye restante sera pour ses goules tant droitte que renversee, que lon nomme autrement Cymaise et Nasselle: la saillye de laquelle Cymaise, sorte par les deux boutz autant en dehors oultre le quarré du Tailloer, que l'oeuil de la Volute a de grandeur en son demy diametre. Les costez ou arondissemens doubles de ces Volutes, se facent par tele raison, que l'une des jambes du Compas soit mise sur le hault de l'oeuil, et l'autre soubz l'assiette du Tailloer, la ravallant d'une tierce partie dudict oeuil, et circuyssant jusques a la ligne perpendiculaire qui passe atravers son centre, et ainsi continuant de poinct en poinct selon les partitions faictes en luy: et par ce moyen l'ouvrier verra succeder l'effect de son desir. Les espaces d'entre les contournemens ne soyent plus grans que le diametre de l'oeuil: et soient taillez par tel art, que leurs profondeurs n'ayent sinon une douzieme partie de toute leur largeur.
Voyla queles seront les symmetries des chapiteaux propres aux colonnes Ioniques, lesquelles porteront du moins quinze piedz de haulteur. Mais pour les autres qui en auront d'avantage, lon observera leurs proportions suyvant tousjours ceste practique.
Tout Tailloer sera tousjours aussi long et aussi large que sa colonne portera de diametre par le bout d'embas, et une neufieme partie d'avantage, afin que tant moins aura la plus haulte colonne de rapetissement par enhault, le chapiteau n'ayt aussi moindre saillye selon sa qualité, ny augmentation de haulteur, sinon tant qu'il luy en fault a l'equipollent.
Je diray en mon dernier livre la maniere de faire les Volutes, et comment on les doyt justement tourner au Compas pour leur donner bonne rondeur: mesmes tout d'une voye n'oublieray a en pourtraire la forme.
Estant les chapiteaux perfectz et posez sur les gorges de leurs colonnes, non a la reigle ou au nyveau, mais par emboystures egales aussi bien que leurs boutz d'embas assiz dedans leurs Stylobates, il est convenable que la symmetrie des Architraves corresponde aux autres membres qui pourront estre encores colloquez audessus.
De ces Architraves donc la raison sera tele, que si les colonnes ont de douze a quinze piedz de hault, ou environ, la haulteur de l'un d'eulx devra contenir la moytié du diametre d'icelle colonne par embas. Si elles portent de quinze a vingt piedz, leur haulteur se divisera en treze, et l'une de ces pars sera la mesure de l'Architrave. Si elles sont de vingt a vingt et cinq piedz, leur dicte haulteur se partisse en douze portions et demye, car l'une servira pour la proportion requise a son Architrave. Mais si elles montent de vingt et cinq a trente, cela soit compassé en douze, et une de ces egalitez fera autant que la haulteur dudict Architrave.
Voyla comment les proportions de ces membres se doyvent prendre a l'equipollent sur celles des colonnes, a raison que tant plus la veue de l'homme tire en hault, avec plus grande difficulté peult elle penetrer la grosseur de l'air: parquoy venant a succumber et a perdre sa force pour amour de ce grand espace, elle raporte au jugement une incertaine proportion de modules: et de la vient que pour donner bonne apparence aux membres d'un bastiment, il y fault tousjours adjouster un supplement raisonnable, a ce que quand les ouvrages seront colloquez en lieux haultz, encores que ce soyent Colosses, ou choses desmesurées, elles viennent a representer une convenable quantité de grandeur.

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La largeur de l'Architrave par le costé, qui posera sur la colonne, soit de mesme estendue que celle de la gorge de la colonne, par ou elle joinct au chapiteau: et sa partie de dessus, corresponde au diametre de la dicte colonne par embas. La Cymaise ou goule renversee d'icelluy Architrave, se doyt faire d'une septieme partie de sa haulteur, et porter autant de saillye: puis le reste, non compris la dicte Cymaise, estre divisé en douze dimensions, dont les trois appartiennent a la premiere couche ou filiere de pierre, quatre a la deuxieme, et cinq a la troysieme.
La frize regnant audessus de cest Architrave, doyt porter une quarte partie moins qu'il ne faict, si ce n'est que lon la veuille orner de besongnes de taille, car en ce cas seroit requis de luy donner celle quarte d'avantage, afin de les faire bien monstrer.
La Cymaise doyt avoir une septieme portion de haulteur de la frize qu'elle couvre, et porter autant de saillye comme elle est haulte.
Audessus de celle frize doyt estre faicte la Denteleure aussi haulte que la seconde filiere de l'Architrave, et avoir autant de saillye que cela. Fault aussi que son entrecoupeure dicte par les Grecz Metoche, se divise en sorte que chacune des dentz ayt de front la moytié de sa haulteur: et le vuyde ou concave, de trois pars les deux: puis la Doulcine regnant dessus, une sixieme partie de la dicte seconde filiere.
En apres la Cornice avec aussi sa Cymaise, non compris son petit quarré, doyt porter autant de hault que la susdicte seconde filiere ou couche de pierre de l'Architrave: et la saillye d'icelle Cornice, garnye de sa petite dent par le bout, contenir pareille estendue qu'il y a depuis la frize jusques a la plus haulte Doulcine de la Cornice: et pour le dire en peu de paroles, toutes saillyes qui ont autant de ressort ou forgect que de haulteur, s'en monstrent beaucoup plus belles, et de meilleure grace.

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Pour bien faire le Tympan du Frontispice assis au faiste dessus ce dernier membre, il est besoing que le front de la Cornice soit mesuré en neuf parties, a prendre depuis un des boutz jusques a l'autre de la Cymaise derniere, et de celles lá en donner une au mylieu d'icelluy Tympan, prenant garde a ce que la premiere filiere de l'Architrave corresponde et soit posee a plomb des gorges d'icelles colonnes. Au demourant, les coronnes qui se mettent sur le Tympan, declinantes en pente, doyvent aussi estre egalement colloquees a fleur des Cornices de dessoubz, excepte leurs Doulcines, qui passeront oultre: et leurs petitz quarrez, que les grecz nomment Epitithides, avoir de hault une huytieme partie d'icelles coronnes.
Les Acroteres ou piedestalz des angles, porteront de haulteur la moytié du Tympan, et celluy qui sera sur la poincte du mylieu, aura pour myeux se monstrer, une huytieme portion d'avantage.

[FIGURE] Frontispice Ionique.

Or tous les membres qui doyvent estre assiz audessus des chapiteaux des colonnes, comme Architraves, Frizes, Cornices, Tympans, Pignons, et Acroteres, doyvent pencher en devant, chacun d'une douzieme partie de sa haulteur, a raison que quand nous sommes plantez devant la face d'un edifice si deux lignes derivantes du centre de nostre oeuil, s'estendent en sorte que l'une arrive a son pied, et l'autre jusques a son faiste: celle qui touchera ce faiste, sera de beaucoup plus longue que l'autre: et de la vient que tant plus la veue faict une ligne allongee en montant, tant plus luy est il advis que son object se regette en derriere. Parquoy s'il est que l'ouvrier face pancher en devant, comme dict est, adonc semblera il au regard, qu'ilz seront justement assiz en ligne perpendiculaire ou a plomb.

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Les cannelures des colonnes doyvent estre vingt et quatre en nombre, et creusees par tele industrie, que quand l'angle droict de l'Esquierre sera mis en l'une, ses bras ou branches touchent a ses costez tant a droict comme a gauche, et que cest Esquierre puisse estre ainsi librement conduict par tous les poinctz de la circumference: et les grosseurs des entrecannelures doyvent estre aussi grandes que se trouvera le renflement faict au mylieu de la colonne.

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Contre les Doulcines ou goules renversees qui sont en la coronne, declinantes en pente sur les costez de l'edifice, fault qu'il y ait des testes de Lyon respondantes a nyveau de chacune colonne, et les autres du devant et du derriere aussi arrengees par egale distance: toutesfois la raison requiert qu'il y en ait une droictement assize soubz le pignon. Celles qui seront a nyveau des colonnes, soyent percees a jour, et respondantes a la goutiere qui recoit les eaux de la pluye: mais les autres tenans l'espace du mylieu soubz les pignons, soyent solides, ou toutes massives, afin que la force de l'eau qui coule au long des tuyles dans ladicte goutiere, ne tumbe parmy les entrecolonnes, car elle mouilleroit les passans. Mais quant aux autres qui sont a fleur des colonnes (comme dict est) elles peuvent bien getter l'eau par leurs gueules.

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J'ay discouru en ce volume au myeux qu'il m'a esté possible, toutes les particularitez des bastimens Ioniques: parquoy je m'employeray au suyvant a traicter des proportions Corinthiennes et Doriques.

FIN DU TROISIEME DE
VITRUVE.